Doit-on simplifier le droit du travail, le faire maigrir, le rendre compatible avec le fonctionnement – ou les dysfonctionnements – d’une société en voie accélérée de libéralisation ? À l’évidence, deux conceptions du lien social s’affrontent. La première, héritière des luttes anciennes des travailleurs, réclame de la protection. La seconde, orpheline de la croissance, réclame de la souplesse. Ce débat est un combat aussi juste que complexe, car s’il s’attaque aux effets réels du mal, il n’en traite pas forcément la cause.
Il convient assurément d’éclaircir ce qui reste obscur dans le luxuriant maquis juridique, comme le suggèrent avec force Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen. Mais l’allègement de la norme peut-il suffire à lever les blocages imputés au gros livre rouge ? Crier haro sur le Code du travail, c’est reconnaître que la loi, avec ses penchants à se mêler de tout, serait un frein à l’économie. Mais pourquoi a-t-on autant légiféré ? S’il y a trop de droit, c’est qu’il n’y a pas assez de confiance. L’expression « partenaires sociaux » est un pieux mensonge car on ne connaît pas si âpres adversaires que les syndicats et les patrons, et que les syndicats entre eux, sur fond de représentativité affaiblie. Ce qui nous manque, c’est une culture de la négociation, du compromis, dans le respect des intérêts vitaux et bien compris de chacun. Si la loi est bavarde, il y a une raison. Son silence fait toujours le lit de la défiance.
La confiance et le droit
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Jules Romains - Un jour
« Le droit du travail est devenu pervers »
Robert Badinter
Antoine Lyon-Caen
Le monde du travail est-il véritablement asphyxié par le dispositif législatif actuel ?
Robert Badinter : Constatons d’abord l’ampleur du chômage qui atteint 5 millions de salariés. Il est devenu un véritable cancer social. Comment faire pour le réduire ? Le droit aide-t-il ? Le fait qu’il y a une inflation législative continue, sans réduire pour autant le chômage, nous oblige à nous interroger.
Le problème ne se pose pas pour les grandes entreprises dotées de juristes, d’une direction des ressources humaines. Je pense aux petites et aux très petites entreprises pour lesquelles c’est une angoisse. La législation actuelle, parce qu’elle est illisible pour le non-initié, nourrit une incertitude et des coûts qui dissuadent l’embauche. C’est une donnée psychologique indéniable. Un vivier d’emplois est asséché car les entrepreneurs ne veulent pas se risquer dans cette jungle. À partir de là, nous nous sommes interrogés pour reconsidérer la législation du travail dans ce petit livre, Le Travail et la Loi, dont l’écho nous a surpris…
Antoine Lyon-Caen : Le législateur n’a cessé de complexifier le droit du travail. On a traité le mal par le mal ! Comme si le droit pouvait lutter contre le chômage… C’est une illusion partagée par beaucoup. C’est le cœur des choses. Le Code du travail est non seulement un maquis pour les entrepreneurs, mais il n’est plus protecteur des salariés.
[Travaux]
Robert Solé
« Le travail c’est la santé, rien faire c’est la conserver », chantait Henri Salvador en 1965. Sept ans plus tôt, il avait mis en musique, tout aussi joyeusement, une autre apologie de la paresse, sur des paroles de Boris Vian : « Je peux pas travailler debout / Parce que ça me fait mal aux g’noux / Je peux pas travailler assis / Ça me fait mal au coccyx. »