Le général de Gaulle l’avait dit en son temps : au club des nations, il existe autant d’égoïsmes que de membres inscrits. Le récent aller-retour d’Angela Merkel à Istanbul propose une nouvelle illustration de cette formule frappée au coin du réalisme. Pour endiguer à tout prix l’arrivée massive de réfugiés en Allemagne qu’elle a imprudemment amplifiée par ses déclarations, la chancelière remet dans le jeu le président Erdogan, en dépit de ses écarts coupables en matière de respect des droits de l’homme en général, des droits des Kurdes en particulier. De la même manière que les Occidentaux ont dû avaler la couleuvre du maintien en place de Bachar al-Assad en Syrie pour se concentrer contre le monstrueux État islamique, Berlin s’est avancé auprès d’un Erdogan trop heureux de dicter ses conditions à l’Union européenne. Non content d’obtenir la promesse de recevoir 3 milliards d’euros pour faire face à l’afflux de réfugiés syriens sur son territoire, le chef de l’État turc a reçu un autre engagement de Mme Merkel : que soient rouverts les six chapitres concernant l’adhésion de son pays à l’UE. On pourra arguer que la chose est loin d’être faite – le début du processus remonte à près de trente ans – mais le trouble existe. Au nom de qui la chancelière allemande s’est-elle risquée à cette marche turque en forme de cavalier seul ? Au nom des Anglais, des Espagnols et des Italiens qui sont plutôt pour ? Au nom des Français qui sont plutôt contre ? Ou au nom de l’Europe qui n’a plus de nom quand il s’agit de décider en son nom ?
Merkel, marche turque et cavalier seul
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« Les ennemis d’Erdogan sont imaginaires »
Hamit Bozarslan
La Turquie contemporaine souffre-t-elle d’une nostalgie de l’Empire ottoman ?
Absolument, on peut même parler d’une nostalgie violente. Elle est ressentie à la fois par le pouvoir, mais aussi par une partie de la société turque. Ce sentiment naît dès le xixe siècle, lorsque l’empire prend conscience que son modèle ne fonctionne plus et qu’il faut repenser la société. Dans les réformes lancées entre 1839 et 1876, il y a cette idée que l’empire a échoué et que la seule manière de se garantir un avenir est d’intégrer l’histoire occidentale. Le choc est énorme. L’empire est alors comme Janus, le dieu romain à deux visages. Il doit devenir l’autre pour rester lui-même. Il faut ajouter à cette schizophrénie, extrêmement forte et encore perceptible en Turquie aujourd’hui, un désamour de la part du cœur même de l’Empire ottoman, situé dans les Balkans et bien mieux intégré à l’Europe que l’empire lui-même. La Turquie porte encore le poids de ce désamour.
[Sultan]
Robert Solé
Sire,
On s’est permis de reprocher à Votre Majesté le palais qu’elle a daigné se faire construire à Ankara. Laissez-moi lui dire toute la honte que m’inspirent de telles remarques. Elles ne sauraient venir que de faibles d’esprit ou de renégats. Le calife aimé de Dieu pourrait-il habiter un banal hôtel particulier ? Ces 200 000 m2 représentent à peine quatre fois le château de Versailles. Je suis persuadé que votre auguste personne doit s’y sentir à l’étroit.