« Nous autres, civilisations mortelles »

 

Nous sommes postés au fort de Douaumont, l’un des points névralgiques de la bataille de Verdun, à près de 400 mètres d’altitude. Où que notre regard se pose, un siècle d’une forêt profonde nous contemple. En 1914, le plateau vallonné n’était qu’une suite de champs et de pâtures troués par quelques bois en bosquet et neuf villages.

Le 21 février 1916, à 7 h 15, l’artillerie allemande commença à arroser ce vaste territoire agricole. Un demi-million d’obus furent tirés les deux premiers jours. Soixante millions de charges mortelles au total des trois cents jours d’une bataille organisée comme une entreprise tayloriste : bombardements le matin, assauts l’après-midi.

Verdun est devenue, avec Stalingrad, le synonyme de la guerre à très haute intensité meurtrière. C’est aussi « un mythe républicain » pour l’historien Antoine Prost, la revanche de la débâcle de Sedan en 1870, la métonymie de tout un pays en guerre : du fait de la rotation des troupes imposée par Philippe Pétain, les trois quarts des soldats français ont combattu à Verdun.

La bataille a fait 700 000 victimes (tués, disparus et blessés), 40 millions pour l’ensemble de la guerre, dont ces fameuses « gueules cassées » aux visages déchiquetés par les éclats d’obus et les tirs de mitrailleuse. Si l’on voulait tenir une comptabilité complète, il conviendrait d’ajouter les 20 à 50 millions de personnes fauchées par la grippe espagnole. Cette entrée dans le xxe siècle inspira ce terrible constat au poète Paul Valéry : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. »

 

Dans les racines d’un arbre, la dépouille du soldat Skøtt

 

Dans la forêt domaniale de Verdun, on aperçoit, de loin en loin, le sommet de la tour de 46 mètres qui surplombe l’ossuaire et la nécropole nationale créés en 1923. « La Lanterne des morts » est une manière d’insister : rien ne doit jamais être oublié – comment l’imaginer après être passé devant les 16 142 tombes des soldats identifiés, puis avoir parcouru l’interminable cloître sous lequel sont rassemblés les ossements d’au moins 130 000 qui n’ont pu l’être ? « L’ossuaire, c’est un seul tombeau sans distinction de nationalité ou de religion », note son jeune directeur, Olivier Gérard. De la petite gare de Verdun s’ébranla, le 10 novembre 1920, le train qui conduisit à Paris la dépouille du soldat inconnu.

Quand la guerre se fut retirée, il ne restait qu’un paysage dévasté comme après un tremblement de terre : des crevasses, des trous d’obus, des monticules de terre, des tranchées et des boyaux, des débris de toutes sortes et tous ces corps amoncelés…

« Depuis 1918, la terre n’a cessé de rendre des corps et des objets », témoigne le nouveau directeur du Mémorial, -Nicolas Barret. La forêt recèlerait encore les restes éparpillés de 80 000 victimes. Ce sont parfois des promeneurs qui les découvrent, parfois des forestiers, plus souvent des sangliers. La plupart du temps, il ne s’agit que d’un crâne ou d’un tibia, mais pas toujours. En 2023, un arbre s’est brisé ; de ses racines, les employés de l’Office national des forêts (ONF) ont extrait un corps entier identifié grâce à sa plaque : Erik Petersen Skøtt était un jeune Danois de 21 ans, enrôlé dans l’armée allemande et porté disparu le 21 juin 1916.

 

36 millions d’épicéas et de pins noirs d’Autriche

 

Après le conflit, il fut établi que la vie ordinaire ne pourrait reprendre sur ces dix mille hectares. Le sol était parsemé d’obus ayant éclaté ou non, de dépôts de dynamite, de munitions, de plomb, de zinc, de mercure et de relents de gaz – l’ypérite utilisée par les Allemands, le phosgène par les Français. En 2013, des images de télédétection par laser (Lidar) ont révélé un sol toujours mité de cavités, dix tonnes de débris sont dégagées chaque année. Les autorités ont alors classé le site Verdun--Douaumont en « zone rouge », entraînant l’expropriation de ses habitants. Des discussions âpres furent menées avec les associations d’anciens combattants qui voulaient conserver en l’état le lieu et sa mémoire sacrificielle. On s’accorda sur deux cents hectares autour de la nécropole nationale, des forts de Douaumont, de Vaux et de Souville, de la Tranchée des baïonnettes et du Mémorial ouvert en 1967. Sur le reste de la zone, il fut décidé de planter 36 millions d’épicéas et de pins noirs d’Autriche, payés par les vaincus au titre des dommages de guerre. De nombreux soldats y ont vu un geste sacrilège. Aucun n’imaginait l’écrin ainsi constitué, un océan de verdure parcouru chaque année par 300 000 visiteurs. « Cette forêt, c’est un linceul protecteur qui a été tendu sur les meurtrissures de la guerre », témoigne Gersende Gérard, responsable locale de l’Office national de la forêt (ONF).

 

Miracle écologique

 

Vêtue de l’uniforme de l’ONF aux différentes nuances de vert, elle nous fait visiter les abords de Douaumont avec sa collègue Émilie Maurice. Toutes deux sont intarissables sur le miracle qui s’est ici produit : non seulement la vie a repris son cours, mais elle s’est même enrichie dans des proportions inattendues. « Avec la guerre, le sol a subi l’équivalent de 10 000 ans d’érosion naturelle », analyse le géographe Jean-Paul Amat. Ce qui a favorisé l’apparition d’une faune et d’une flore exceptionnelles.

 

La Tombola des gueules cassées a ouvert la voie au Loto

 

Dans les vestiges des ouvrages militaires, des chauves-souris rares, dont la Noctule de Leisler, se sont reproduites en abondance : « Les coupoles des bunkers leur servent de couveuses. Et l’hiver, elles hibernent dans les abris à la température relativement constante », explique Émilie Maurice. Certains trous d’obus sont devenus des mares peuplées de toutes sortes de batraciens, notamment de tritons crêtés et de crapauds sonneurs à ventre jaune, espèce très vulnérable. Aux beaux jours, on voit voler des hirondelles rustiques et des dizaines d’espèces de papillons, dont l’Azuré du serpolet. Au sol, on trouve des orchidées sauvages, une quinzaine d’espèces de fougères, une herbe constellée de petites fleurs bleues au nom d’« herbe aux yeux bleus du Montana », qui serait arrivée avec le fourrage des chevaux de l’armée américaine. À côté des zones humides, d’autres parties de la forêt ont un sol sec où poussent du thym, de l’origan, des aubépines et des arbustes que l’on trouve sur le pourtour méditerranéen. Le site est inscrit à l’inventaire européen Natura 2000.

 

Laboratoire de la biodiversité

 

La forêt de Verdun est un territoire pionnier pour penser l’avenir des forêts par temps de réchauffement. En 2018, elle a été l’une des premières cibles d’une épidémie de scolytes – un insecte prédateur favorisé par les sécheresses – qui s’est ensuite propagée dans la moitié nord de la France. En quelques mois, des centaines de milliers d’épicéas ont péri à Verdun. Depuis les années 1970, les responsables de l’ONF avaient commencé à réduire la proportion des résineux au profit de feuillus (hêtres, érables, merisiers, chênes, fruitiers forestiers…). Après l’épidémie de scolytes, l’ONF a accéléré la composition d’une « forêt mosaïque » avec « la migration assistée de populations d’arbres menacées d’extinction dans leur région d’origine », précise Gersende Gérard. Des graines sélectionnées dans le sud de la France sont replantées à Verdun : hêtres, chênes sessiles, pins de Salzmann. Cette migration végétale a été baptisée « projet Giono », du nom de l’auteur de L’Homme qui plantait des arbres, lequel participa, tout jeune, aux batailles de Verdun et du Chemin des Dames.

 

À Gravelotte, la rivalité franco-allemande

 

Francis Lefort préside deux associations maîtresses pour la mémoire du lieu : le Comité national du souvenir de Verdun (CNSV) fondé en 1951 par l’écrivain Maurice Genevoix, blessé en 1915 aux Éparges, tout près de Verdun. Et l’association Ceux de Verdun créée en 1923 par trois poilus, qui comptent encore 1 200 adhérents, « petits ou arrière--petits-enfants » de poilus. Francis Lefort n’a aucun titre militaire, il a été chef comptable d’une fromagerie de la Meuse, mais il a été élevé dans la mémoire de la Grande Guerre avec un grand-père et trois grands-oncles qui sont montés au front. L’un d’entre eux n’en est jamais revenu, un autre se montrait intarissable sur « ces Prussiens qui en 1871 avaient établi leur frontière tout près de chez nous », sur la route entre Verdun et Metz, pas très loin de Gravelotte où, en août 1870, une pluie d’artillerie avait déjà fait de terribles dégâts.

 

L’exposition de photos de 1915 attaquée par les scolytes

 

Francis Lefort nous fait visiter quelques-uns des villages détruits et jamais reconstruits : plus d’habitants, mais des restes de maisons, quelques tombes, des signes commémoratifs et une chapelle dans chaque village. À Douaumont, des plots alignés indiquent les noms de ceux qui vivaient là. La seule mention du métier de certains – maçon, vigneron, cantonnier, sabotier – nous transporte dans un monde englouti.

À Louvemont, dans la chapelle envahie par une nuée de coccinelles, une vingtaine de photographies traînent au pied de l’autel. Ces tirages font partie d’un lot de 250 photos léguées à Louvemont par les descendants d’un enfant du pays, le capitaine Toussaint. Témoignage -captivant : les fenaisons de 1915 ; la calèche de Toussaint ; une fête en l’honneur de l’intervention des Italiens ; trois lieutenants qui plaisantent avec une mère de famille et son petit -Raymond ; Toussaint qui pose, les mains dans les poches, en haut d’une tranchée ; des -maisons éventrées, la mairie en partie détruite le jour de la Pentecôte par un obus de 150...

François-Xavier Long a été désigné en 2003 maire de Louvemont par le préfet de la Meuse. Il considère qu’il est là pour « entretenir l’âme du village ». C’est pourquoi il avait fait exposer les images du capitaine Toussaint dans les rues bordées de frênes de Louvemont, avant que l’épidémie de scolytes ne réduise en poussière les supports en bois.

 

Hier « linceul » de la Grande Guerre, aujourd’hui laboratoire de la biodiversité

 

François-Xavier Long, 79 ans, a conservé son accent méridional. Il est né à -Grimaud, dans le Var, et n’a rien connu de la Grande Guerre en dehors d’un vendeur de vêtements, à Nice, dont une partie du visage avait été arrachée, ce qui avait surpris l’enfant. Long ne savait pas encore qu’il allait suivre des études de médecine à Marseille, devenir ORL et chirurgien maxillo-facial à l’hôpital de Nancy puis à Verdun. Le Dr Long est membre du comité scientifique de l’Union des blessés de la face et de la tête (UBFT), les « Gueules cassées », dont la première tombola, La Dette, a eu lieu en 1931, ouvrant la voie à la création de la Loterie nationale, deux ans plus tard.

 

Les gueules cassées, stigmates de la guerre industrielle

 

Après-guerre, l’apparition de ces premiers handicapés de la face fut un choc : quinze mille grands mutilés, avec des plaies du nez, des yeux et des oreilles, des fractures des maxillaires, et les souffrances psychiques qui allaient avec. Georges Clemenceau avait invité cinq d’entre eux à la signature du traité de Versailles, mais il lui fallut se déplacer pour qu’ils acceptent de rejoindre les premiers rangs de la cérémonie ; ils étaient restés dissimulés derrière une tenture. Malgré la sollicitude de -Clemenceau, le code des pensions militaires d’invalidité ne reconnaissait pas leurs souffrances, jusqu’alors inédites : jamais avant la Première Guerre mondiale, l’artillerie et les armes automatiques n’avaient atteint une telle puissance et causé pareilles atteintes. On considérait donc que ce n’était pas une oreille manquante ou un trou à la place du nez ou d’un œil qui pourrait les empêcher d’aller travailler aux champs ou dans les usines. Pourtant, nombre d’entre eux passèrent des années dans des hôpitaux à Bordeaux, à Lyon ou au Val-de-Grâce, dans un service qu’ils avaient ironiquement baptisé « le service des baveux ».

« Les blessures touchant le tiers inférieur du visage sont les plus difficiles à réparer, explique le Dr François--Xavier Long. Aussi bien pour la reconstitution des os éclatés du menton qu’en raison des muscles dits du sphincter buccal, essentiel pour la déglutition et la parole. » C’est au colonel Picot, -grièvement blessé à la face dans la Somme qu’on doit l’expression « gueules cassées » mais aussi la fondation, avec deux autres défigurés, Bienaimé -Jourdain et Albert Jugon, de l’Union des blessés de la face (et bientôt de la tête). L’UBFT a fini par obtenir un statut pour les défigurés tout en organisant des loteries pour leur venir en aide financièrement, notamment à travers des galas de charité animés par les plus grandes vedettes du monde du spectacle. Pendant des décennies, on a croisé dans les villes des blessés de la face puis des aveugles, amputés et trépanés, qui vendaient des dixièmes de billet de loterie. En 1976, pour résister à l’expansion du PMU, l’association convainquit Jacques Chirac d’accepter la création du Loto, dont la première sphère trône au siège de l’Union, à Paris. L’UBFT, toujours actionnaire de La Française des Jeux, soutient désormais les militaires, mais aussi les gendarmes, policiers, pompiers et douaniers, blessés à la face ou atteints de stress post-traumatique.

Pour le Dr François-Xavier Long, « beaucoup de choses ont commencé à Verdun : la barbarie de la guerre industrielle et l’utilisation des gaz, mais aussi la présence des médecins sur le champ de bataille telle que l’avait préconisée Ambroise Paré quatre siècles auparavant, ainsi que la lutte contre les épidémies et le tri des blessés sur des postes de secours avant leur évacuation ». Le Dr Long pourrait ajouter le bond en avant de la chirurgie maxillo--faciale et le début de la prise en compte du stress post-traumatique.

 

Destins de Verdun

 

En 2016, pour le centenaire de la bataille, le Mémorial a fait peau neuve pour mieux transmettre le souvenir de la bataille aux jeunes générations. « Nous voulons raconter la guerre à hauteur d’hommes », explique -Nicolas Barret. Subir le froid, la faim et la soif. Vivre dans la boue, allongé près de camarades décédés. Survivre à la peur d’une mort anonyme, le corps dispersé dans la terre sans que la famille puisse jamais remplacer le mot « disparu » par celui de « défunt ». Craindre les offensives au lance-flammes, les obus dispersant les gaz porteurs d’une mort invisible. Les reconstitutions du -Mémorial permettent d’approcher ces quotidiens synonymes de déchéance. Une seule chose est restée impossible : faire entendre la réelle puissance sonore des bombardements qui ont rendu sourds nombre de survivants ou même fait perdre la raison à certains.

De ce chaos émergent tout de même des histoires exceptionnelles* : celle de Nicole Girard-Mangin, la seule femme médecin militaire ; celle du caporal Moussa Dansako, qui participa à la reprise meurtrière du fort de Douaumont ; celle de Fernand Marche, l’estafette qui, malgré la mort, réussit à transmettre son pli ensanglanté ; celle de Fernande Herduin, qui fit voter, en 1924, une loi de réhabilitation des soldats fusillés sans jugement ; celle d’Eugène Criqui, « Gégène gueule cassée », blessé à la face en 1916 à Verdun, champion du monde des poids plume en 1923 à New York. Et tant d’autres…

 

Les pelouses calcaires d’une Forêt d’exception

 

La Française des Jeux est doublement attachée à la forêt de Verdun. Par le souvenir des Gueules cassées –  -l’association est toujours actionnaires de l’entreprise –, mais aussi par son soutien à la préservation de la biodiversité. En 2023, un nouveau jeu de grattage a été créé, Mission Nature, dont une partie des recettes est versée à l’Office français de la biodiversité (OFB). Dans ce cadre, 21 projets ont été sélectionnés parmi lesquels Verdun Forêt d’Exception®. « Il s’agit de la restauration écologique de dix hectares de pelouses calcaires superficielles qui bordent les lieux de Mémoire, comme le fort de -Douaumont, et de celle de plusieurs corridors qui permettront à la biodiversité de circuler entre les pelouses », explique Yannick Vera qui pilote cette « Forêt -d’Exception » pour l’ONF.

En 1918, les anciens combattants souhaitaient que rien ne bouge afin que nul n’ignore ce qu’avait été ce cercle de l’enfer. C’était sans compter avec « la dynamique forestière qui nous échappe en partie », précise Yannick Vera. Trois années de travaux vont bientôt commencer pour « rouvrir les pelouses » : l’évacuation minutieuse de toute une végétation superflue sera faite à la main, pendant les saisons froides, afin de ne pas interférer avec les cycles de la nature.

 

« Nos sangs ne font plus qu’un »

 

À Verdun, jeunes et vieux se côtoient dans un combat pour la mémoire qui se conjugue désormais au futur avec notre capacité d’adaptation au choc climatique. Yannick Vera intervient régulièrement au Mémorial comme lors de cette table ronde, en juin 2023, où il débattait avec le petit-fils de Maurice Genevoix, Julien Larere-Genevoix. La forêt qui a poussé sur une terre ensanglantée est devenue une bibliothèque du vivant mais, au moment où les conflits sanglants se multiplient et ciblent plus que jamais les civils, l’appel de la forêt de Verdun n’a jamais été si actuel. « Avec les Allemands, nous nous sommes tellement battus que nos sangs ne font plus qu’un », avait estimé en 1939 le philosophe Étienne Gilson, ancien combattant de Verdun.

Le 15 juin 1986, pour le soixante-dixième anniversaire de la bataille, un autre poilu de Verdun, René Vincent, s’est retrouvé placé à côté d’un ancien combattant allemand, Willy Norsdorff. Avant que François Mitterrand ne commence son discours, ils ont eu le temps de parler et de réaliser qu’ils avaient combattu le même jour, au même endroit, à la cote 304, au lieu-dit du Mort-Homme. L’un face à l’autre ! Francis Lefort ne se souvient pas qui fit le premier geste, mais René et Willy se sont tenu la main jusqu’à la fin de la cérémonie. Un peu plus tard, ils sont montés au Mort-Homme pour y planter une pancarte sur laquelle ils avaient inscrit : « L’amitié par-dessus les tombes. » 

 

* Destins de Verdun, 20 récits incarnés par des comédiens et personnalités (Clotilde Hesme, Mathieu Amalric, Omar Sy, -Christophe -Malavoy, Julien Larere--Genevoix…), un -podcast réalisé par le -Mémorial de -Verdun et disponible en français et en allemand sur toutes les plateformes.