Il y a un an, dans les heures qui suivirent l’aube rouge sang du 7 octobre et le massacre de près de 1 200 Israéliens, majoritairement civils, par des commandos menés par le Hamas, ainsi que la prise en otage de plus de 250 autres, nous écrivions dans ces pages qu’« aucun camp ne sera jamais capable de proclamer sa victoire » dans le conflit en cours, et que « le seul horizon possible est celui de la défaite. Notre défaite à tous ». Rien, hélas, n’est venu nous détromper depuis. Au cours des douze derniers mois, la bande de Gaza a été transformée en champ de ruines, écrasée sous les bombardements de l’armée israélienne. Les débats sur les chiffres donnés par le ministère de la Santé du Hamas ont fini par s’essouffler devant la réalité du carnage : plus de 40 000 morts, près de 100 000 blessés, et une population exsangue, à force de peur, de faim et de soif. Une « cage à ciel ouvert », où les corps tentent de survivre mais où l’esprit s’est éteint, comme le raconte le journaliste Rami Abou Jamous dans son journal de Gaza, dont nous publions de larges extraits en seconde feuille.

Qu’y a-t-il, au bout du bout de cette aventure militaire ?

Où trouver de l’espoir au milieu du désastre ? Pas en Cisjordanie, où la violence, quoique plus discrète, a déjà fait plus de 700 morts depuis le 7 octobre. Pas plus au Liban, où après des mois d’escarmouches, Israël a décidé d’ouvrir un nouveau front en frappant le Hezbollah à la tête. L’explosion des bipeurs et des talkies-walkies, merveille stratégique mais horreur humaine, a précédé le pilonnage massif du sud du pays et de la vallée de la Bekaa, qui ont fait plus de 550 morts dans la seule journée du 23 septembre. Avec une victoire hautement symbolique pour Tsahal : la mort d’Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah depuis trente-deux ans et homme fort du paysage politique libanais. 

À l’heure où l’on écrit ces lignes, le pays du Cèdre reste sous la menace d’une invasion terrestre visant à détruire les tunnels et à neutraliser les capacités balistiques du mouvement chiite, bras armé de l’Iran dans la région. À la tribune de l’ONU, Benjamin Netanyahou, objet d’une demande de mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, a réaffirmé qu’il continuerait à se battre « pour une victoire totale ». Sa volonté de protéger ses concitoyens est évidemment légitime. Les moyens pour y parvenir, eux, s’avèrent nettement plus discutables, tout comme sa stratégie jusqu’au-boutiste. Car qu’y a-t-il, au bout du bout de cette aventure militaire ? La paix, toujours plus illusoire ? La guerre, toujours la guerre, toujours plus meurtrière ? Ou bien un cimetière, vaste et terrible ? Le cimetière de notre humanité, ensevelie sous ces bombes que nous avons produites et ces valeurs auxquelles nous avons renoncé.