Depuis le drame du 7 janvier, auquel s’est ajoutée la prise d’otages meurtrière du 9, j’entends cette phrase de Victor Hugo : « une minute peut blesser un siècle ». Sentiment partagé de vide, d’anéantissement, de colère. Pierre Alechinsky nous avait prévenus la semaine dernière : « pas de vœux cette année ». Et pourtant. N’est-ce pas le moment au contraire de faire un vœu simple : il faut continuer. Continuer à l’ouvrir. Ouvrir sa gueule, comme l’a toujours fait Charlie. Ne pas se laisser gagner par la peur. Sa propre peur, la peur des autres. C’est tellement contagieux, la peur. Elle s’installe là où la République recule. Là où les mots se planquent sous la table et qu’on ne les entend plus. Les mots pour dire qui nous sommes, ce que nous voulons, ce que nous combattons. Et puis ne pas se laisser envahir par la haine de l’autre qui est toujours le même autre, le différent, le musulman. Le piège est là, qui ne demande qu’à se refermer sur notre colère indignée. Ne pas s’arrêter de penser. « Penser est dangereux, mais ne pas penser est plus dangereux encore », écrivait Hannah Arendt. Alors, continuer à exercer notre sens critique. Tenir la terreur en respect au bout d’un sourire. Prendre le parti de l’impertinence, de la pertinence, de la lucidité, des mots et des traits qui fâchent. Pour que la nuit ne tombe pas sur l’espoir qu’en 2015, la France prendra à bras le corps les maux qui la minent.