Le Crime de l'Orient-Express

Dans l’un de ses romans les plus atypiques, L’Heure zéro, Agatha Christie remonte dans le passé de chacun de ses personnages pour les amener jusqu’au moment fatidique du drame. Où entamer alors l’histoire du Crime de l’Orient-Express ? En 1917, quand la jeune femme écrivit son premier roman policier, La Mystérieuse affaire de Styles, et inventa le détective Hercule Poirot ? En 1926, année du Meurtre de Roger Ackroyd, mais surtout de sa mystérieuse disparition qui, pendant onze jours, fit les grands titres de la presse anglaise, avant qu’elle ne soit découverte dans une station thermale, enregistrée à l’hôtel sous le nom de la maîtresse de son premier mari ? Peut-être vaut-il mieux, en réalité, commencer à l’automne 1928, par un voyage aussi inattendu que décisif dans le destin de la romancière la plus vendue de tous les temps.

À 38 ans, Agatha vient alors de divorcer d’Archie Christie. Désormais libre, financièrement indépendante, elle rêve de nouveaux départs et, pourquoi pas, de soleil. Ce sera les Antilles, pense-t-elle. Mais deux jours avant son départ, elle fait la rencontre d’un couple rentrant d’Irak, où des fouilles viennent d’être lancées sous le tout nouveau protectorat britannique. L’évocation des cités sumériennes séduit cette amatrice d’archéologie, et l’expédition de 6 000 kilomètres demande de l’audace. « Je ne connaissais que trop mon tempérament de toutou : les chiens ne vont pas se promener à moins qu’on ne les y emmène. Allais-je toujours être comme ça ? J’espérais que non », écrira-t-elle plus tard ses Mémoires. D’autant que ce voyage est aussi l’occasion de prendre le « train de [s]es rêves », celui dont elle a souvent admiré les wagons bleu et or en gare de Calais : le Simplon-Orient-Express, un mythe ferroviaire entré en service en 1883 à l’initiative de la Compagnie internationale des wagons-lits, et qui relie Calais à Istanbul en un peu moins de trois jours, via Trieste, Zagreb, Belgrade et Sofia. Arrivée en Turquie, Ag