Qu'un savant de Marseille ait le don de se faire mousser, on ne saurait trop l’en blâmer. Malgré l’ombre tutélaire de la Bonne Mère qui ne baisse pas la garde du haut de sa colline, on ne sait trop à quel saint se vouer face au virus. Alors pourquoi pas tendre l’oreille à cet infectiologue de bonne réputation, n’étaient son allure de druide et ses vanteries dignes d’un Escartefigue faisant passer son « fériboâte » – disons, cette hydroxychloroquine qui enquiquine l’establishment médical – pour un vaisseau des mers ?

À regarder la vidéo où il dit sans ciller : « Je vous assure, je suis un grand scientifique », on est tout de même saisi par les arguments de bon sens de ce professeur qui sort à l’évidence de l’ordinaire. Cherchant les raisons – mais sommes-nous dans le rationnel ? – de toutes les passions qu’il a déclenchées en voulant soigner les malades du Covid-19 avec un antipaludéen, il avance une explication toute simple : lui est un praticien qui continue, depuis quarante-deux ans qu’il exerce ce métier, de consulter les malades. Et les malades, poursuit-il, ne sont pas des objets de recherche. Ils n’espèrent qu’une chose : être soignés.

Face à lui, Didier Raoult voit se dresser la cohorte de ceux « qui ne sont plus médecins », ceux qu’il appelle des « médecins de bureau », et ceux qui, à cheval sur la méthode et le respect des protocoles, se refusent, même en temps de guerre, à combattre un ennemi viral inconnu au bataillon avec un médicament qui pourrait causer des lésions cardiaques aux patients. Si la voie Raoult, comme il le prétend, donne des résultats et désengorge les lits des réas, pourquoi aller chercher des poux à Panoramix ?

Ce n’est pas votre serviteur qui saura trancher dans ce débat scientifique vital, où la suffisance des censeurs masque mal leur ignorance. Que le chef de l’État ait rendu discrètement visite à ce personnage controversé a permis de désamorcer les accusations complotistes du moment. Notamment celle selon laquelle Raoult serait blacklisté pour nuisance aux intérêts pharmaceutiques. Être soutenu par de nombreux médecins généralistes comme par une frange droitière, voire plus, de la classe politique ne lui donne pas raison pour autant. Le professeur marseillais ne mérite ni indignité ni excès d’honneur. Pas de grand raout, mais le bénéfice du doute, pour les patients qui espèrent.