Paru le 28 février 2024

Ce nouveau numéro du 1 des libraires vous propose de mettre nos bibliothèques sur le divan, pour mieux analyser ces liens serrés entre littérature et santé mentale. Car, bien avant les psychiatres, les romans ont permis de mieux comprendre ceux qu’on appelait les aliénés, de prendre la mesure de leurs pathologies – de la dépression d’Emma Bovary à la mythomanie de Tartarin de Tarascon, de la paranoïa du narrateur du Horla au trouble dissociatif dont souffre le bon docteur Jekyll.

En seconde feuille, notre « Bibliothèque idéale » nous plonge dans l’œuvre d’une romancière hantée par la question de la santé mentale, en se consacrant à Mrs Dalloway, de Virginia Woolf.

 

« Depuis un siècle, le regard s’est décentré de la folie vers le fou »

Entretien avec Anaëlle Touboul

« Le traitement littéraire de la folie n’est plus une expérience d’altérité radicale, mais celle d’une potentialité de soi-même. Les romans modernes nous tendent un miroir où l’on découvre que l’on est tous des névrosés en puissance ! » Autrice de l’étude Histoires de fous, le roman au cœur de la folie, la chercheuse nous rappelle que la folie a toujours constitué un motif littéraire important et a fasciné de nombreuses avant-gardes, en particulier les romantiques et les surréalistes. Il aura toutefois fallu attendre le xxe siècle, explique-t-elle, pour que les écrivains commencent à se départir d’une vision mythique des pathologies mentales et se fassent les témoins des souffrances de ceux qu’elle affecte, puis s’intéressent à leurs proches.

 

La littérature est-elle l’avenir de la psychiatrie ?

Enquête de LOU HÉLIOT

« La littérature, par sa dimension métaphorique, donne au lecteur un accès voilé au sens. Il y découvre ce qu’il est seul à pouvoir y lire, c’est pourquoi elle peut entrer en résonance avec ses traumatismes personnels », explique la psychiatre, psychanalyste et docteure en littérature Isabelle Blondiaux. Elle figure parmi les spécialistes interrogés par notre journaliste pour mieux comprendre pourquoi, alors que l’aliénisme s’est constitué comme science, au xixe siècle, en s’opposant à la littérature, celle-ci connaît aujourd’hui un regain d’intérêt de la part des thérapeutes, de plus en plus nombreux à s’appuyer sur elle pour mieux prendre en charge certains troubles mentaux. 

Et aussi : Le Cœur révélateur, une nouvelle d’Edgar Allan Poe, illustrée par Oriol ; « Toutes hystériques ? », par Victoria Mas, autrice du Bal des folles ; et les coups de cœur des libraires.

2e feuille – « La bibliothèque idéale du 1 » : Mrs Dalloway, de Virginia Woolf

« Ce livre apaise l’angoisse grâce à sa beauté, son rythme, sa profondeur »

entretien avec Geneviève Brisac

« Aucune ne s’y est trompée. De Marguerite Duras à Nathalie Sarraute, de Marguerite Yourcenar à Annie Ernaux, pour ne nommer que les Françaises les plus connues, toutes les grandes écrivaines du xxe et du xxie siècle ont dit et écrit à quel point Virginia Woolf, grâce à la lecture de ses romans et de son journal, leur avait ouvert le chemin caillouteux de la littérature, de la confiance en soi, de la parole libre, du style, qui est d’abord une respiration. » L’écrivaine, autrice de plusieurs livres sur Virginia Woolf, revient sur la modernité de son roman phare, ses vertus et son héritage.

Et aussi : un grand poster signé Miles Hyman ; le regard de l’écrivaine Blandine Rinkel ; la genèse du roman par Julien Bisson ; un extrait clé de l’œuvre.