Paru le 14 septembre 2022

 

Ce pays que Joe Biden devait apaiser après quatre années de trumpisme semble bien décidé à reprendre le sentier de la guerre, une guerre intérieure cette fois, à force de divisions sur la démocratie, sur les droits des femmes, sur le port d’armes, sur la prééminence religieuse ou sur les inégalités raciales. Si bien qu’à quelques semaines d’élections de mi-mandat à haut risque pour la Maison-Blanche, c’est désormais l’inquiétude qui prime : jusqu’où le fossé peut-il se creuser entre ces États désunis ? C’est la question que nous posons dans ce numéro du 1 des libraires spécial littérature américaine, en partenariat avec le festival America, qui fête ses vingt ans à Vincennes, du 22 au 25 septembre.

 

 

« La littérature, c’est la rencontre avec une autre conscience »

Entretien avec LOUISE ERDRICH

« Chaque fois que nous acceptons de faire les comptes, chaque fois que nous consentons à regarder le passé en face, nous faisons un pas de plus vers la compréhension et la reconnaissance de ce qui nous hante », affirme l’écrivaine. Pour cette grande voix amérindienne, l’Amérique fait face à de nombreux défis, dont un péril fasciste et climatosceptique, incarné par Trump. Tout en ayant conscience d’un décalage entre l’Amérique littéraire et le reste du pays, elle nous explique pourquoi la littérature peut encore à ses yeux contribuer à changer les choses.

 

 

Des États désunis

Les regards de KATHLEEN ALCOTT, de JASON MOTT & de VIET THANH NGUYEN

Trois écrivains invités au festival America nous livrent leur vision des fractures béantes de leur pays. Face à une crise aux multiples facettes, Viet Thanh Nguyen appelle les écrivains à « cibler et dénoncer la nature systémique du racisme, de la violence et du militarisme dans notre société, quand tant d’Américains considèrent qu’elle va de soi ». Jason Mott rejoint son diagnostic : « L’amour de soi, déclare-t-il, implique de reconnaître et d’accepter ses imperfections. Et c’est précisément ce que les Américains refusent de voir. » Peu confiante en la capacité de son pays à se réconcilier, Kathleen Alcott revient, elle, sur un autre mythe, celui de « la femme exceptionnelle qui exhibe des attributs de pouvoir masculins et qui peut dépasser les limites qui lui ont été fixées ».

 

 

Et aussi : La loterie, une nouvelle culte et cruelle de Shirley Jackson ; un extrait d’un texte de Russell Banks sur le nationalisme et la question raciale aux États-Unis ; et 8 coups de cœur de libraires parmi les nouveautés américaines de la rentrée littéraire.

 

 

2e feuille – « La bibliothèque idéale du 1 » : Les Raisins de la colère de John Steinbeck

 

« Un grand roman démocratique »

Entretien avec MARIE-CHRISTINE LEMARDELEY

« Les Raisins de la colère, en réalité, est une tapisserie de l’apocalypse des années 1930, et pour les Américains qui ont inscrit la “poursuite du bonheur” dans leur Déclaration d’indépendance, il y a quelque chose de scandaleux à ne pas parler de bonheur, à montrer le malheur dans ses moindres détails. » Spécialiste de Steinbeck, l’universitaire nous livre les clés de ce chef-d’œuvre qui conjugue réalisme, pédagogie et symbolisme pour dénoncer l’exploitation de l’homme et de la nature.

 

Et aussi : un grand poster signé Étienne Davodeau ; le regard de l’écrivain Alain Mabanckou ; la genèse du roman, par Julien Bisson ; un extrait de la nouvelle traduction du roman par Charles Recoursé, à paraître le 10 octobre chez Gallimard.