Assis en tailleur, le regard droit, le scribe accroupi observe sans relâche les visiteurs du Louvre. Avec lui, ce sont près de cinquante siècles qui nous contemplent, figés dans une éternité que rien ne semble pouvoir perturber. Découvert par Auguste Mariette à Saqqarah, en 1850, cette statuette d’un demi-mètre de haut reste aujourd’hui l’un des plus beaux vestiges de la civilisation de l’Ancien Empire. Il est aussi l’un des meilleurs témoins de cette passion française pour l’Égypte antique, née avant même la campagne de Bonaparte et qui ne s’est jamais momifiée depuis : un mélange de fascination historique et d’attraction ésotérique pour cette culture millénaire. De l’obélisque de la Concorde au Aïda de Verdi, du Roman de la momie de Gautier au Cléopâtre de Mankiewicz, notre culture est baignée par cet univers magique, peuplé de dieux anthropozoomorphes, de momies inquiétantes, mais aussi d’une tradition artistique et architecturale éblouissante, qui ne manque pas de séduire les foules. Il y a trois ans, l’exposition consacrée à Toutankhamon avait ainsi attiré près d’un million et demi de visiteurs à Paris, record absolu en France depuis… la précédente exposition consacrée au jeune pharaon, en 1967 !
Cette année encore, de nombreuses manifestations culturelles autour de l’Égypte antique seront à découvrir à travers l’Hexagone. Il faut dire que 2022 est riche en anniversaires : il y a deux cents ans, Jean-François Champollion découvrait enfin le secret des hiéroglyphes, cette écriture mystérieuse dont les roseaux, corbeilles ou vautours étaient restés jusque-là muets. Et il y a tout juste un siècle, l’archéologue anglais Howard Carter pénétrait dans le tombeau de Toutankhamon, révélant au monde les plus incroyables des trésors – sans oublier des rumeurs de malédiction, propagées par Arthur Conan Doyle en personne ! Ce double centenaire est l’occasion de revenir, dans ce numéro hors-série du 1 hebdo, sur les dernières découvertes en matière d’égyptologie, présentées par l’archéologue Nicolas Grimal, mais aussi de revivre, sous la plume de Robert Solé, la grande saga de cette science unique en son genre. Le pouvoir égyptien l’a d’ailleurs bien compris, lui qui a fait défiler les momies royales en grande pompe l’an passé, avant qu’elles ne rejoignent leur (nouvelle) dernière demeure, le nouveau Musée national de la civilisation égyptienne. En attendant l’inauguration du Grand Musée, qui devrait enfin ouvrir ses portes en novembre, au pied des pyramides. Un concentré d’immortalité, qui n’a pas fini de faire rêver.