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Repères : l’école en chiffres
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« Nous sommes passés des inégalités passives aux inégalités actives »
Christian Baudelot
Que vous inspire la vague de protestation soulevée par le projet de réforme du collège défendu par le gouvernement ?
Elle dit beaucoup sur la nature du système d’enseignement français. Ceux qui protestent tiennent à défendre et à maintenir des formes élitaires d’éducation. Il est intéressant de resituer ce phénomène dans l’histoire. J’ai commencé la sociologie de l’éducation dans les années 1960 avec Pierre Bourdieu. Dans Les Héritiers (ouvrage coécrit avec Jean-Claude Passeron), il avait mis en évidence nombre d’inégalités sociales et culturelles devant le système scolaire. Celles-ci n’ont pas diminué. À cette époque, l’opinion criait au scandale, convaincue que l’école devait forcément être égalitaire. En réalité, les inégalités se reproduisaient d’année en année, mais des inégalités passives : vous étiez né dans une famille de formation scolaire supérieure, avec une bibliothèque à la maison, des parents vous emmenant au musée, alors vous réussissiez à l’école. C’était discret et efficace. Les parents ne faisaient rien d’autre que reproduire et transmettre une culture qu’ils avaient eux-mêmes acquise « naturellement ». Ces inégalités se produisaient toutes seules. L’école était ainsi faite qu’elle s’adressait à la tête de classe plus qu’à la queue.
Une autre approche pédagogique
Clara Bellar
Dans la non-scolarisation ou l’instruction en famille, il y a deux tendances : le homeschooling, où les parents font l’école à la maison, et l’apprentissage autonome (parfois appelé unschooling), basé sur les centres d’intérêt et le rythme de l’enfant, qui se construit dans l’interaction et l’interrelation. Pour mon film Être et devenir, je me suis penchée sur l’apprentissage autonome.
J’étais curieuse de mieux connaître une tout autre approche pédagogique qui m’étonnait et m’intriguait. Plus globalement, c’est devenu un film sur la confiance en l’enfant et son développement. « Ce n’est pas un film contre l’école, c’est un film pour les enfants », a écrit une journaliste à sa sortie.
En menant des recherches pour le film, je suis tombée sur des œuvres d’auteurs comme John Caldwell Holt (Learning all the Time, How Children Fail, How Children Learn) et John Taylor Gatto (Weapons of Mass Instruction, Dumbing us Down), deux enseignants américains qui, après avoir passé des décennies à tenter de réformer l’école de l’intérieur, en sont arrivés à penser que ce n’était pas possible. John Holt a inventé le terme unschooling. Je suis allée interviewer John Taylor Gatto à New York pour le film.
Par ailleurs, un article du professeur en sciences de l’éducation Roland Meighan, « An Education Fit for a Democracy » (publié dans Life Learning Magazine) explique qu’un changement radical sera nécessaire pour arriver à un système d’apprentissage en accord avec la démocratie : « Il faudra en finir avec la domination et son flot incessant d’enseignements non sollicités, écrit-il. Il faudra reconnaître que, dans une démocratie, l’apprentissage par contrainte signifie l’endoctrinement, et que l’éducation ne peut être que l’apprentissage par invitation et par choix. »
Roman
Robert Solé
Pour enseigner l’histoire au collège, deux conceptions s’opposent. Ouvrons davantage les programmes sur le vaste monde, disent les uns. Finissons-en avec une mise en scène trompeuse, destinée à exalter la grandeur de la France, les sentiments identitaires et patriotiques. Ce sont les partisans de « l’histoire globale ». Ne sacrifions pas les grands événements et les grandes figures qui ont forgé la nation, répliquent les autres. Ne faisons pas l’erreur de tout voir à travers le prisme du colonialisme et de la repentance. Ce sont les défenseurs du « roman national ».