Comment qualifier un carnage commis de sang-froid au cri de « Allahou akbar » ? Nos responsables politiques ont soigneusement évité le mot « islam ». S’il a été prononcé ici ou là dans les heures qui ont suivi la tuerie, c’était seulement pour le faire rimer avec « non aux amalgames ». À gauche, Daniel Cohn-Bendit a été l’un des rares à dénoncer « l’islamo-fascisme », tandis que Marine Le Pen s’en prenait au « fondamentalisme islamique ».

En revanche, le mot « barbare » – ou « barbarie » – a semblé faire l’unanimité. Tout le monde ou presque s’en est servi, de François Hollande à Nicolas Sarkozy, en passant par les syndicats et le Conseil français du culte musulman.  

Étrange destin d’un mot né d’une onomatopée : pour les Grecs, les barbaros (de bar-bar, comme on dirait bla-bla) étaient les peuples dotés d’un langage incompréhensible. En le latinisant, les Romains en ont fait un concept : barbarus exprimait la bestialité, opposée à leur propre humanité. Le terme a désigné ensuite, pêle-mêle, toute une série d’envahisseurs redoutables (Huns, Goths, Vandales…), avant de s’appliquer aux pirates musulmans (barbaresques), pour perdre finalement toute caractéristique ethnique et devenir synonyme de cruauté et de sauvagerie. L’histoire récente nous a appris que des pays aussi civilisés que l’Allemagne pouvaient y succomber. 

Pour le dictionnaire, l’antonyme de « barbarie », c’est raffinement, douceur, bonté, humanité. Mais, ces jours-ci, même pour ceux qui ne l’auraient jamais lu, le contraire de « barbarie », c’est un journal plein de gros mots : c’est Charlie