Te connaissant, j’imagine que tu excuses ces vandales. Comment peut-on s’attaquer à des chefs-d’œuvre ? Les Tournesols de Van Gogh aspergés de sauce tomate à la National Gallery de Londres ; de la purée de pommes de terre jetée sur Les Meules de Monet au musée Barberini de Potsdam ; des mains collées, ici ou là, sur les vitres de tableaux de Botticelli, Vermeer ou Picasso…

– Ces militants écologistes s’en prennent aux vitres de protection, non aux toiles elles-mêmes. Leur but est d’attirer l’attention sur le dérèglement climatique, de dénoncer l’inaction et l’hypocrisie des pouvoirs en place.

– Qui nous dit que demain, pour faire encore plus de bruit, ils n’iront pas plus loin ? En 1914, à Londres, une suffragette avait entaillé au couteau La Vénus au miroir de Velázquez pour protester contre les conditions de détention d’une de ses camarades… Que ces excités aillent déverser du fumier devant le siège de Total si ça les amuse, mais qu’ils n’empêchent pas le public de contempler une œuvre d’art, de s’émouvoir, de s’élever.

– Tu t’indignes devant la dégradation symbolique d’un tableau. Moi, je suis scandalisé par les dégâts très réels que l’homme inflige à la planète. Est-il pire de brouiller provisoirement un paysage de Turner que de sacrifier une forêt ? L’art aide à comprendre le monde, mais ces intrusions dans les musées – j’allais dire ces performances artistiques – obligent les visiteurs à réfléchir à la catastrophe climatique.

– Les musées n’ont aucun rapport avec les gaz à effet de serre ! Ah, mais je te vois venir… C’est vrai que les musées sont de mieux en mieux éclairés, informatisés… Tu aurais raison de te soucier de leur bilan carbone : il va encore se dégrader avec toutes les mesures qui doivent être prises pour empêcher qu’on arrose de ketchup La Corbeille de pommes de Cézanne ou qu’on réveille en sursaut La Baigneuse endormie de Renoir.  

Vous avez aimé ? Partagez-le !