Nous cultivons en bio de la luzerne, des céréales, mais aussi de la féverole, des pois, du soja… La première difficulté tient au climat. Depuis mon installation, on me dit chaque année que le printemps est exceptionnellement pluvieux, l’été exceptionnellement sec, etc. Notre cheffe, c’est la météo, on est très humbles. Mais ça fait un peu peur.

En plus de ça, la consommation de bio et les prix sont en chute libre. Il y a deux ans, on vendait le blé 500 euros la tonne. C’est descendu à 220 euros alors que le prix du carburant augmente. On tend le dos, mais combien de temps allons-nous tenir ?

Il faut marteler que l’agriculture bio coûte moins cher à la société. On ne pollue pas avec des produits phyto ou des nitrates, par exemple, ce qui évite de devoir traiter les eaux. Au lieu de payer ces coûts, mieux vaudrait rémunérer l’agriculteur qui fait les choses bien, en amont ! Nous sommes allés manifester pour réclamer une meilleure reconnaissance des services environnementaux rendus. Pour que les choses changent, il faut aussi appliquer la loi Egalim, qui impose par exemple 20 % de bio dans les cantines scolaires. Ça implique de donner des moyens aux communes pour acheter cette production.

Autre problème : quand je sème du blé, je ne sais pas combien la coopérative me l’achètera, tout dépendra du cours mondial. C’est aberrant ! Or, quel que soit le prix, les coopératives et les industriels se prennent chacun 30 % de marge. Ils assurent certes la logistique – je ne pourrais pas livrer tous ces points de vente moi-même –, mais cela ne justifie pas que je touche si peu. Il y a aussi les obligations administratives, qui donnent le sentiment d’être surveillé sans cesse, et le spectacle des importations d’aliments que l’on sait produire en France… On marche sur la tête. 

Avec mon conjoint, nous cherchons à gagner en valeur ajoutée : nous produisons notre lait de soja et notre farine, nous allons ouvrir une boutique à la ferme en lien avec un maraîcher. Je ne me vois pas produire autrement qu’en bio. À deux, on se sort 2 000 euros par mois. On a pu compter sur les allocations chômage de mon conjoint, mais il n’est pas normal qu’on dépende de ça alors qu’on nourrit les gens !

L’agriculture doit être un choix de société : quel monde voulons-nous laisser à nos enfants ? Arrêtons d’être égoïstes et de penser à court terme ! On doit s’engager, tous ensemble. 

Propos recueillis par HÉLÈNE SEINGIER

 

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