« Ce n’est pas une méthode, c’est une provocation ! » aurait pu dire Jacques Chirac devant les zigzags diplomatiques de la France au Proche-Orient. Le 10 octobre, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, assurait depuis le perchoir son « soutien inconditionnel » à Israël dans son droit à se défendre. Et le 24 octobre, en visite à Tel-Aviv, Emmanuel Macron surprenait ses partenaires en suggérant d’associer la coalition contre l’État islamique à la lutte contre le Hamas. Un mois plus tard, pourtant, le ton et le discours paraissent radicalement différents : dans un entretien à la BBC, le président français a reproché au régime de Benjamin Netanyahou de ne pas se préoccuper suffisamment des morts civils, et demandé un cessez-le-feu à Gaza. Un message mal reçu par le Premier ministre israélien, qui dénonçait à son tour « une grave erreur factuelle et une erreur morale »…

Notre pays est-il ramené à sa modestie, à la nostalgie d’une grandeur napoléonienne qui n’existerait plus que dans les salles de cinéma ?

Maladresses ou changements de cap, ces revirements n’ont en tout cas rien fait pour rassurer sur la capacité de la France à peser sur le destin d’un conflit dont elle est pourtant l’un des premiers protagonistes, compte tenu du nombre de morts et d’otages parmi ses ressortissants. Ce n’est pas, a priori, la volonté qui est en cause. Depuis son élection, Emmanuel Macron s’est fait fort de mettre en scène son activisme, que ce soit au Proche-Orient, mais aussi en Ukraine, à Bruxelles ou lors des différentes COP, comme celle qui s’ouvre à Dubaï. Pourquoi, alors, ce sentiment diffus d’un effacement de la voix de la France sur la scène mondiale ? Notre pays est-il ramené à sa modestie, à la nostalgie d’une grandeur napoléonienne qui n’existerait plus que dans les salles de cinéma ? Entre crises au Quai d’Orsay et errances stratégiques, ce numéro du 1 se penche sur les difficultés de la diplomatie hexagonale, mais aussi ses atouts restants, mis en lumière par Dominique de Villepin.

Vingt ans après son discours mémorable à l’ONU contre la guerre en Irak, l’ancien Premier ministre reste un observateur attentif des tumultes du monde. Dans un long et passionnant entretien, il analyse les tensions entre l’Occident et le Sud global, les impasses de la politique étrangère actuelle, et le besoin de réaffirmer une position singulière pour la France, un pivot nécessaire entre des blocs qui se fissurent et s’éloignent. « Notre parole doit obéir à un souci non seulement de justice, mais de justesse », souffle celui qui fut locataire du Quai d’Orsay de 2002 à 2004. La France n’a peut-être plus les moyens d’être une voix à laquelle on obéit. Au moins peut-elle prétendre encore être l’une de celles qu’on écoute.

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