La nuit, Marina Tsvétaïéva ne dort pas, elle scrute et fait la noce avec l’insomnie. Quelque part, c’est sûr, « un homme se noie », « une vache a soupiré lourdement dans l’étable en sommeil ». La poétesse est seule dans la nuit, « religieuse sans sommeil, sans maison ». Pour elle, point de repos ! Elle résiste au sommeil, avec les clefs du monde. 

Qui dort chaque nuit ? Personne ne dort !
L’enfant crie dans son berceau,
le vieillard est face à sa mort,
le jeune homme parle avec son amie,
le souffle, à ses lèvres, les yeux dans les yeux.
 
On s’endort – s’éveillera-t-on ici encore ?
On a le temps, le temps, on a le temps de dormir !

Un gardien vigilant, de maison en maison
passe, un fanal rose à la main,
et, grondements saccadés par-dessus l’oreiller,
sa crécelle violente va gronder : 
– Ne dors pas ! Résiste ! Je dis vrai !
sinon, c’est le sommeil éternel !
sinon, c’est la maison éternelle !

Traduction du russe par Christian Riguet
Extrait du poème « Insomnie » dans Insomnie et autres poèmes
© Éditions Gallimard, 2011

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