On les appelait les « ronds-de-cuir ». Ces gratte-papier consacraient toutes leurs journées à des travaux harassants d’écriture. Vissés à des sièges inconfortables, ils se munissaient d’un coussin en forme d’anneau pour soulager leur fessier endolori. On les appelait aussi les « manches de lustrine », car leur premier geste en arrivant au bureau était d’enfiler des accessoires amovibles en satin de coton noir ou gris, maintenus par des brassards élastiques, pour protéger leur veste ou leur chemise des frottements répétés sur la table de travail. Pour ces employés besogneux, touchés par la grâce administrative, il n’était pas question de se retrousser les manches…

Adieu Courteline. Désormais, la vie de bureau doit se soumettre aux règles de l’ergonomie, édictées par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) qui ne peut pas être accusé de concision. À eux seuls, les sièges font l’objet d’une pluie de recommandations. La profondeur de l’assise doit permettre au salarié d’« appuyer le bas de son dos sur le dossier sans que le bord avant, qui doit être galbé, exerce de compression derrière les genoux ». Le tissu de revêtement « doit être poreux afin de permettre une bonne circulation de l’air ». Le haut de l’écran « doit être positionné au niveau des yeux, mais plus bas pour les salariés porteurs de verres progressifs ». Le clavier « doit être placé à une distance de 10 à 15 cm du bord du plan du travail »…

Que diraient les « ronds-de-cuir » et les « manches de lustrine » de cette avalanche de normes ? L’ergonomie donne sans doute du lustre à la vie de bureau, mais alléger l’administration, qui a le cuir épais, est une autre paire de manches !  

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