Ces dernières années, l’augmentation de la fréquence, de la durée et de la complexité des crises humanitaires a été telle qu’en 2024, 363 millions de personnes – soit 4,5 % de la population mondiale – requièrent une aide humanitaire pour survivre. Selon l’Unicef, 40 % d’entre elles sont des enfants. Le continent le plus touché reste l’Afrique, où 130 millions de personnes sont considérées en situation d’urgence. Selon les chiffres du Baromètre des conflits de l’HIIK, qui classe l’intensité de la violence des affrontements – du litige non violent jusqu’à la guerre –, 363 conflits ont eu lieu dans le monde en 2022, dont environ 60 % ont été menés de manière violente. 110 millions de personnes ont ainsi été contraintes de quitter leur domicile, 57 % d’entre elles restant à l’intérieur de leur pays. Outre les conflits et la violence, l’exil a souvent été motivé par des catastrophes naturelles, qui tendent à se multiplier, notamment sous l’effet du phénomène climatique El Niño. En 2022, 32,6 millions de déplacements internes dus à des catastrophes – surtout des inondations, des tremblements de terre ou des tempêtes – ont été signalés, créant un terreau fertile à l’émergence de maladies.

 

Haïti

Situé dans les Grandes Antilles, au large de l’Amérique centrale, Haïti est l’un des pays les plus pauvres de la planète. L’instabilité politique, les dictatures successives et l’extrême violence des quelque 200 gangs qui contrôlent sa capitale, Port-au-Prince, rendent la vie quotidienne de ses 11 millions d’habitants extrêmement complexe. En 2019, l’ONU a fait le choix de retirer ses Casques bleus après quinze ans de présence sur l’île, transférant le commandement de la sécurité entre les mains d’une police haïtienne manquant de moyens. En 2021, l’assassinat du président Jovenel Moïse a fini de plonger dans le chaos Haïti, déjà régulièrement fragilisé par des catastrophes naturelles. En 2010, un tremblement de terre a tué 300 000 personnes, détruit nombre d’infrastructures et fait s’effondrer l’économie. Environ 1,4 million d’Haïtiens sont aujourd’hui au bord de la famine, et plus de 4 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire, ne mangeant parfois qu’une fois par jour, voire pas du tout. L’an dernier, la résurgence du choléra a causé la mort de plus d’un millier de personnes. 

 

République démocratique du Congo

Bien que la dernière guerre civile ait pris fin en 2008, le pays n’a jamais retrouvé son calme depuis. Les violences intercommunautaires, notamment dans l’est du pays, et la résurgence du groupe armé M23 ont récemment contraint 600 000 personnes à fuir leur domicile, portant le nombre des déplacés dans le pays à près de 6 millions, soit plus que dans n’importe quel autre pays d’Afrique. De graves inondations, les pires depuis soixante ans, ont par ailleurs détruit ou endommagé près de 100 000 foyers, 1 325 écoles et 267 centres de santé, à une période critique : les retards de vaccination contre la rougeole, liés à la pandémie de Covid-19, ont eu pour conséquence une résurgence récente de la maladie, venue s’ajouter au choléra, endémique dans la région depuis une trentaine d’années. Près des trois quarts des 97 millions de Congolais vivent en dessous du seuil de pauvreté et un tiers de la population est menacé par une grave pénurie alimentaire. Plus de 6 millions de personnes souffrent quotidiennement de la faim, la plupart d’entre elles étant des enfants de moins de 5 ans.

 

Éthiopie

Depuis 2020, la guerre civile qui a éclaté dans la province du Tigré avant de s’étendre au reste du pays a fait plus d’un demi-million de morts et a contraint 2 millions de personnes à l’exode. Un nouveau conflit, dans la région d’Amhara, dans le nord-ouest du pays, a récemment aggravé la situation. Les conséquences sur l’agriculture, déjà menacée par une sixième sécheresse consécutive, sont dramatiques. Dans les régions du Tigré, de l’Afar et de l’Amhara, 9 millions de personnes n’ont pas accès à une nourriture adéquate, selon le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR). Au total, 28,6 millions de personnes restent dépendantes de l’aide humanitaire en Éthiopie. Les habitants sont également menacés par les maladies : plus d’un million de personnes ont contracté le paludisme, alors que le choléra sévit déjà depuis septembre 2022.

 

Somalie

La situation humanitaire en Somalie est l’une des pires au monde. La moitié de la population ne mange pas à sa faim, 1,5 million d’enfants souffrent de malnutrition et un demi-million de personnes ont dû quitter leur foyer en raison de la sécheresse. Celle-ci atteint une intensité inédite dans l’histoire du pays, après cinq saisons de pluies infructueuses consécutives. La perte des récoltes est d’autant plus dramatique que la Somalie, dont plus de 90 % de la consommation en blé provient habituellement d’Ukraine et de Russie, est actuellement privée de ces importations. Par ailleurs, la violence due à l’instabilité politique reste endémique : les attaques terroristes, notamment celles du groupe islamiste Al-Chabab, sont le lot quotidien de la population civile. 70 % des habitants vivent dans une pauvreté accablante, 60 % n’ont pas accès aux soins médicaux. Moins de 30 % des enfants en âge scolaire vont à l’école primaire, la moitié de la population est analphabète. Plus d’un million de personnes vivent dans des conditions d’eau, d’assainissement et d’hygiène qui mettent leur vie en danger. L’espérance de vie est de 58 ans, l’une des plus faibles au monde.

 

Burkina Faso

La situation sécuritaire au Burkina Faso empêche les populations d’accéder aux services sociaux de base et aux moyens de subsistance, poussant de plus en plus d’habitants sur les routes de l’exil. Plus de 86 % des Burkinabés se trouvent en situation de pauvreté multidimensionnelle, selon un indice défini par les Nations unies. Celui-ci se calcule selon dix critères, dont la mortalité infantile, la nutrition, l’accès à l’électricité, à l’eau potable, aux sanitaires ou à des combustibles pour cuisiner. Plus de 66 % des habitants subissent d’intenses privations. Le pays a enregistré en parallèle une croissance du taux d’inflation de plus de 14 % en 2022. Les prix des articles de sécurité alimentaire ont particulièrement augmenté, avec une hausse de près de 30 %. L’accès humanitaire est très entravé dans plusieurs localités du pays, principalement dans les régions du Nord, frontalières avec le Niger et le Mali. Par ailleurs, une épidémie de dengue, qui a fait plus de 600 morts l’an dernier, continue de se développer en raison notamment d’une forte désinformation qui attise la défiance de la population à l’encontre du corps médical.

 

Territoires Palestiniens

Après plus de cinq mois de guerre déclenchée par le Hamas le 7 octobre 2023, la situation sanitaire est « inhumaine et continue de se détériorer », affirme l’Organisation mondiale de la santé. Plus de 31 000 personnes sont mortes et 73 000 souffrent de blessures. La quasi-totalité de la population, sous blocus d’Israël depuis seize ans, est aujourd’hui menacée de famine et de disparition. Avant le 7 octobre, 500 camions en moyenne entraient dans Gaza chaque jour, convoyant de l’aide et des marchandises et permettant de limiter le taux de malnutrition sévère à 1 %. Il s’élève à présent à 15 % dans certaines zones. L’aide humanitaire, soumise à l’aval d’Israël, entre à Gaza par Rafah, mais son acheminement vers le Nord est rendu presque impossible par les destructions et les combats qui isolent cette région du reste du territoire. De plus, en raison de ces restrictions imposées à l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza, Israël est soupçonné de se servir de l’accès à la nourriture comme d’une arme, ce qui constituerait un crime de guerre, a dénoncé le bureau du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Fin février, un char israélien a tiré sur un bâtiment identifié avec le logo de Médecins sans frontières, tuant deux membres de la famille d’un employé de l’ONG. 

 

Afghanistan

Vingt ans après leur chute, les talibans ont repris le pouvoir sur l’Afghanistan en août 2021, entraînant une détérioration majeure de la situation dans le pays. La réduction de l’aide financière étrangère, qui constituait 75 % du budget du gouvernement, a provoqué la disparition des services publics. L’économie locale s’est effondrée tandis que les prix de l’alimentation et des médicaments ont explosé, rendant les denrées et articles de première nécessité inaccessibles à la population. Avec un produit intérieur brut annuel par habitant de 340 euros, l’Afghanistan est l’un des pays les plus pauvres du monde. L’ONG International Rescue Committee estime que la famine pourrait tuer plus d’Afghans ces prochaines années que vingt ans de guerre. En raison de l’interdiction récente, pour des raisons religieuses, des travailleuses humanitaires, de nombreuses opérations d’aide sont désormais suspendues. Les catastrophes naturelles, notamment les séismes, secouent par ailleurs régulièrement ce pays de 40 millions d’habitants. 

 

Yémen

Depuis huit ans, des groupes armés et les forces gouvernementales s’affrontent au Yémen. Selon l’Unicef, plus de 11 000 enfants ont été tués ou mutilés depuis 2015. Les systèmes dont dépendent les familles sont au bord de l’effondrement total. Seule la moitié des établissements de santé sont opérationnels et environ un tiers des écoles sont fermées. Près de neuf habitants sur dix n’ont pas accès au réseau électrique et 4,5 millions de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer. Le pays se situe ainsi au 4e rang mondial du classement des pays selon la population de personnes déplacées en interne. Actuellement, 80 % de la population vit dans une extrême pauvreté et plus de 21 millions de personnes ont un besoin urgent d’aide humanitaire. Le pays se trouve au bord de la famine : l’insécurité alimentaire touche 17 millions de personnes, dont 3,2 millions gravement. Plus de 2 millions d’enfants souffrent de malnutrition aiguë.

 

Birmanie

Le conflit qui sévit en Birmanie depuis plusieurs décennies s’est accentué à la suite de la reprise du pouvoir par les militaires en février 2021. 18,6 millions de personnes nécessitent une aide humanitaire, soit dix-neuf fois plus qu’avant le coup d’État des forces armées. En octobre 2023, trois factions armées importantes du nord-est du pays se sont unies pour intensifier les affrontements avec le gouvernement. Ce dernier multiplie les attaques aériennes dans les zones habitées. 2,7 millions de personnes tentent actuellement de survivre loin de leur foyer. Entre janvier et septembre 2023, près de 300 attaques ont été menées sur des hôpitaux, des cliniques et des ambulances, menant le système de santé au bord de l’effondrement. Avec ses vents de 250 kilomètres-heure, le cyclone Mocha a détruit au printemps dernier nombre de cultures familiales, mettant en péril la sécurité alimentaire de 3,4 millions de personnes. C’est à présent le phénomène climatique El Niño qui menace ce qui reste de l’agriculture du pays. 

 

Soudan du Sud

Le plus jeune État du monde, dont l’indépendance a été acquise en 2011, occupe la dernière place au classement mondial des pays en fonction de leur indice de développement humain. La situation actuelle résulte en grande partie d’une guerre civile qui a fait rage entre 2013 et 2018, provoquant l’une des plus grandes crises de réfugiés en Afrique. Bien que les conflits soient à présent très localisés, le Soudan du Sud continue de compter 1,6 million de personnes déplacées à l’intérieur de ses frontières. 2,3 millions d’individus ont quant à eux fui le pays. De récentes inondations ont détruit les cultures et les pâturages pour le bétail, accentuant toujours plus l’insécurité alimentaire qui touche 8 millions de personnes. Les ONG estiment que 1,4 million d’enfants sont menacés de malnutrition mortelle. Au total, 9 millions de personnes sont aujourd’hui dépendantes d’une aide humanitaire, soit plus de 80 % de la population. 

 

Ukraine

Alors que le conflit en Ukraine vient d’entrer dans sa troisième année, la guerre continue de dégrader les conditions de vie des civils et d’entraver leur accès à la santé, à l’éducation et à d’autres services de base, en particulier au sud et à l’est de l’Ukraine, où les infrastructures sont régulièrement la cible des bombardements russes. Depuis 2022, 65 % des ménages ukrainiens ont vu leurs revenus diminuer et près de 44 % d’entre eux peinent à satisfaire leurs besoins fondamentaux, en dépit d’une aide gouvernementale qui peut atteindre les 3 000 hryvnias, soit environ 73 euros. Désormais, un quart de la population ukrainienne souffrirait de diverses formes de troubles mentaux du fait du conflit, une tendance en hausse à mesure que celui-ci se prolonge. Au total, 40 % des habitants auraient besoin d’une assistance humanitaire. Or l’élan de solidarité qui a suivi le 24 février 2022 semble fléchir à mesure que le conflit s’enlise et que d’autres crises mobilisent l’aide internationale. En décembre 2023, les Nations unies estimaient que 3,9 milliards de dollars étaient requis pour le déploiement d’une aide humanitaire adaptée en 2024. Le financement recueilli atteignait mi-janvier 67 % de cette somme.

 

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