L’image paraît aussi absurde que révoltante : d’un côté, des camions chargés de vivres et de médicaments qui s’agglutinent au poste-frontière de Rafah ; de l’autre, une population gazaouie affamée, privée d’eau et d’accès aux soins après plus de cinq mois d’un conflit meurtrier, qui ne voit arriver l’aide humanitaire qu’au compte-gouttes. Un premier bateau a bien déchargé près de deux cents tonnes de nourriture en passant par la mer le 15 mars, contournant ainsi les blocages israéliens, mais les défauts d’organisation sur place restent dramatiques : le 29 février, une centaine de personnes sont mortes lors d’une distribution de farine après des tirs de Tsahal, et les pénuries ne cessent d’alimenter le marché noir et les pillages.

En tout, ce sont plus de 360 millions de personnes dans le monde qui subsistent grâce à l’aide humanitaire

Ce chaos à Gaza, raconté avec effroi et dignité par le médecin urgentiste Raphaël Pitti, met en lumière le rôle crucial des humanitaires dans le conflit actuel. Tandis que les diplomates s’activent en sous-main pour négocier une trêve, les organisations sur place, publiques ou privées, s’avèrent bien souvent les derniers remparts contre une famine généralisée et une hécatombe plus grave encore. Mais ce qui est vrai à Gaza l’est aussi dans bien d’autres pays. Car si les regards médiatiques sont aujourd’hui braqués sur le Proche-Orient, ceux des organisations humanitaires embrassent, eux, de (trop) nombreux théâtres d’intervention, du Yémen à la Birmanie, de l’Ukraine au Soudan, de l’Éthiopie à Haïti. En tout, ce sont plus de 360 millions de personnes dans le monde qui subsistent grâce à l’aide humanitaire, un nombre en hausse constante ces dernières années. Parmi elles, près de la moitié sont des enfants.

On peut voir dans ces chiffres le tableau dramatique d’une humanité en détresse, frappée par les guerres, les catastrophes naturelles, la faim ou les épidémies, comme celle de choléra qui sévit actuellement en Afrique de l’Est. Mais on peut aussi y reconnaître les efforts de femmes et d’hommes sur toute la planète pour venir en aide à leur prochain, quoi qu’il en coûte, l’élan de solidarités multiples pour lutter contre tant de souffrances et refuser la fatalité. Dans Le Photographe, formidable album dessiné par Emmanuel Guibert sur le combat de médecins français pour sauver des vies dans l’Afghanistan des années 1980, l’un d’eux affirmait le poids des « responsabilités » pour justifier un pareil engagement. C’est à cette lueur qu’il faut se raccrocher pour ne pas céder à l’horreur, à cette conviction qu’il demeure, au milieu de la déroute de l’actualité, des forces qui luttent pour sauver notre humanité. 

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