C’est l’autre versant de la guerre entamée depuis un mois au Proche-Orient. Le 9 novembre dernier, le ministère des Affaires étrangères dénonçait l’ombre russe dans l’affaire des étoiles de David tracées aux pochoirs sur de nombreux immeubles parisiens. Ces tags auraient été réalisés à la demande de l’homme d’affaires moldave Anatoli Prizenko, à la tête de groupuscules prorusses et lui-même auteur de propos antisémites ces dernières années. Quant à la diffusion et à la propagation des images de ces étoiles, le Quai d’Orsay y voit la main de Doppelgänger, un vaste réseau de désinformation russe s’appuyant sur des comptes automatisés ou des répliques de médias occidentaux.

Dans cette bataille des opinions, il n’y a guère de place pour la raison ou la compassion

Cette opération pourrait n’être qu’une banale affaire d’espionnage entre puissances concurrentes, si elle n’était révélatrice de logiques plus profondes qui touchent au cœur notre tissu social. Elle rappelle à quel point les lignes de front, dans ce conflit, débordent des faubourgs de la ville de Gaza, à force d’être nourries par les mauvais génies du racisme et de l’antisémitisme. Elle révèle, aussi, les nouveaux habits des campagnes de propagande, amplifiées par les géants des réseaux sociaux et les différents stratèges du chaos. Les uns font leur beurre sur le dos de la vérité, conscients qu’une bonne info, pour eux, est d’abord celle qu’on a envie de répéter au voisin. Les autres sourient devant notre goût pour l’indignation, la vocifération, qui flatte l’ego autant qu’il encourage les récupérations politiques. Dans cette bataille des opinions, il n’y a guère de place pour la raison ou la compassion, écrasées par cette folie furieuse que naguère le dieu Arès inspirait aux combattants. D’où la nécessité de penser la complexité, loin des passions mauvaises et des manipulations plus ou moins grossières.

Ce souci de la vérité, la méfiance vis-à-vis des emballements soudains, le scepticisme à l’égard des clochers qui sonnent toujours la même heure auront été des boussoles pour notre compagnon de route Laurent Greilsamer, tout au long de sa riche carrière. C’est ce même souci de la clarté et de l’honnêteté qu’il a tenu à inscrire dans le berceau du 1, cofondé avec Éric Fottorino et Natalie Thiriez il y a bientôt dix ans. Laurent nous a quittés soudainement, mercredi 8 novembre, frappé par une maladie aussi rare que l’homme qu’il était. Mais son regard, à la fois juste, exigeant et bienveillant, nous oblige et présidera toujours à la destinée de ce journal. Nous lui rendrons hommage la semaine prochaine dans un numéro spécial, à l’image de l’homme qu’il fut pour nous tous. 

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