Créé en 2011 par Jamel Debbouze, le Marrakech du rire réunit chaque année des humoristes, pour la plupart français, marocains ou binationaux, au cœur de la médina. Retransmis par la chaîne M6, le festival compte ainsi plusieurs millions de spectateurs. L’un de ses buts est de faire émerger de jeunes talents, comme Abderrahmane Ouaabad, plus connu sous le nom d’Eko, devenu une star au royaume chérifien.

Sur la scène de Marrakech, des sujets tabous, comme la religion ou la sexualité, sont évités ou abordés avec précaution : en 2019, par exemple, Caroline Vigneaux a dû gommer quelques vannes de son numéro sur le plaisir féminin. Certains comédiens savent d’instinct jusqu’où ils peuvent aller, comme Gad Elmaleh, natif de Casablanca, « la seule ville au monde où les passants portent la ceinture de sécurité ». L’assistance se délecte quand il parle, avec l’accent, de son père, de sa mère, ou du « GPS marocain », qui demande des nouvelles de toute la famille avant d’indiquer la route à suivre…

Mais ces blagues sont loin de faire l’unanimité au Maroc. « Chaque année, dénonce la chroniqueuse Zineb Ibnouzahir, on nous inflige des clichés aussi débiles qu’insultants, on tourne en dérision notre culture, on fait rire un public français à nos dépens. » Elle n’aura pas à s’en plaindre cet été : l’édition 2023 a été annulée, au motif de travaux entrepris au palais El Badi.

Chaque nation possède une culture comique et une forme d’autodérision à usage interne. L’humour ne traverse pas les frontières impunément, surtout dans un contexte postcolonial. « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui », disait Pierre Desproges. À Marrakech, des Français et des Marocains ont démontré qu’ils sont capables de rire ensemble, et même de rire les uns des autres. 

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