Nous étions six à table et, de fil en aiguille, la conversation a glissé sur l’anxiété. Dans un beau désordre, chacun a fait part de ses craintes. À six, ensemble, on peut dire que nous cochons toutes les cases : peur du coronavirus, des attentats, de l’inflation, du réchauffement climatique, d’une guerre nucléaire ; peur pour les enfants, menacés par la drogue, la pornographie, la dépendance aux écrans, les divorces, le manque de repères ; peur de perdre son emploi, de choper le cancer ou l’Alzheimer, de se retrouver seul, de vieillir, de souffrir, de mourir…

Nous ne sommes pas des mono-anxieux. Si chacun de nous a tendance à se focaliser sur un sujet d’inquiétude, il n’est pas à l’abri d’autres craintes. On dirait que chacun s’est fabriqué son cocktail personnel d’angoisses, différent de celui du voisin, à partir des mêmes ingrédients. Et de ruminer sur les nuages à venir, sans autre effet que de nourrir son anxiété. Dans un monde où tout se montre et tout se sait, ou est censé se savoir, comment supporter l’imprévisible et la brume ? Nous voudrions pouvoir tout contrôler, tout programmer, alors qu’il faut vivre au présent, nous expliquent les sages. Apprendre à tolérer l’incertitude, lui faire de la place, comme disait Socrate.

Sans doute… Mais comment venir à bout, chers lecteurs, de la leucosélidophobie – du grec leukos (blanc), selides (pages) et fovos (peur) ? Cette terrible angoisse de la feuille blanche peut paralyser un chroniqueur, pourtant plein de zèle, et l’empêcher de conclure son mot par une chute inattendue. 

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