Il n’y a plus guère de suspense. Il y a huit ans, personne n’imaginait sérieusement que Donald Trump puisse devenir le candidat républicain à la présidence des États-Unis. En novembre prochain, il devrait pourtant mener son camp pour la troisième fois consécutive, une première dans l’histoire du Grand Old Party. Dernière à oser lui tenir front, Nikki Haley avait face à elle la masse du peuple MAGA et l’assurance d’un Trump décidé à prendre sa revanche, après une élection dont il assure toujours qu’elle lui a été volée. Le voilà donc de retour, malgré la défaite de 2020, malgré l’invasion du Capitole, malgré la pile d’affaires judiciaires haute comme le mur à la frontière du Mexique. Et comme dans un mauvais film d’horreur, Trump se veut plus menaçant que jamais, fort d’un programme mieux rodé et d’une troupe complètement inféodée.

À huit mois de l’élection, tous les éléments sont réunis pour une nouvelle crise politique. 

Qui pourra arrêter son demi-tour vers la Maison-Blanche, s’interroge ce numéro du 1 ? Son adversaire logique sort d’un mandat sans éclat, occupé à colmater les brèches d’une Amérique qui prend l’eau de toutes parts. Empêtré dans les questions migratoires, lâché par une partie de sa base qui lui reproche son inaction pour Gaza, Joe Biden suscite aussi des inquiétudes par rapport à son état de santé. Il faut dire qu’à 81 ans, il est bien le seul à pouvoir donner à Trump l’allure d’un candidat toujours fringant… Quant à la justice, elle tape pour l’instant l’ancien président au porte-monnaie, sans que la Cour suprême – à majorité conservatrice – se presse pour statuer sur son inéligibilité. À huit mois de l’élection, tous les éléments sont réunis pour une nouvelle crise politique. Et l’on imagine le regard probablement amusé de la Chine ou de la Russie devant ce Trump qui affirmait il y a peu qu’il ne se muerait pas en dictateur s’il était réélu, « sauf le premier jour ».

Dans un pays épuisé par huit années de déchirements, d’invectives, de combats symboliques et armés, le piège à éviter est celui du fatalisme.

Nous n’en sommes pas là, et la route est encore longue jusqu’à l’automne. Mais dans un pays épuisé par huit années de déchirements, d’invectives, de combats symboliques et armés, le piège à éviter est celui du fatalisme. Comme si, nourrie par la fatigue politique et la lassitude des oppositions, la victoire de Trump devait revêtir un caractère inéluctable – comme celle promise au RN en France à l’horizon 2027. C’est oublier que ces marches en avant ne sont encore que de résistibles ascensions. Et que si ces scrutins mettent nos démocraties à l’épreuve, au moins offrent-ils la possibilité d’un choix, d’un refus de cet avenir sombre qui nous est tracé. Profitons-en, tant qu’il est encore temps.  

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