Ira, ira pas ? Les incertitudes quant à une éventuelle candidature d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle occupent les esprits en cette rentrée politique. Jugé à partir du 8 septembre pour « provocation à la discrimination » et « injures raciales » après ses propos sur les mineurs isolés, le polémiste laisse encore planer le doute sur ses intentions. Et la parution de son nouvel essai, la semaine prochaine, tient autant du coup éditorial que du début de campagne électorale. Jusqu’où pourra-t-il maintenir l’ambiguïté de sa position ? Jusqu’où, surtout, le laissera-t-on faire ? Car, en attendant d’abattre ses cartes, le chroniqueur star de CNews reste le seul candidat potentiel à avoir tribune ouverte, tous les jours, pendant une heure, sur une chaîne de grande écoute. Et il ne se gêne pas pour en faire usage, fustigeant à loisir le « grand remplacement », la créolisation du monde ou les réfugiés afghans.

Le cas Zemmour est emblématique. Car il symbolise à lui seul les questions qui entourent la montée en puissance de Vincent Bolloré dans les médias ces dernières années. Depuis sa prise de contrôle du groupe Canal+, en 2015, l’industriel breton, aujourd’hui l’un des poids lourds du patronat français, a en effet multiplié les coups d’éclat et placé ses antennes au cœur du jeu politico-médiatique, des pitreries d’un Cyril Hanouna aux propos de comptoir de Pascal Praud et consorts. Le tout en suivant une ligne idéologique à droite toute, tellement à droite qu’elle a valu, selon le Canard enchaîné, à Marc-Olivier Fogiel, directeur général de BFMTV, ce tacle éloquent de Marine Le Pen : « Je n’ai plus besoin de vous, j’ai CNews ! » Et l’offensive pourrait se poursuivre en cette rentrée avec l’arrivée de visages connus de la chaîne sur les ondes d’Europe 1, nouvelle proie tombée dans l’escarcelle du groupe. Sans oublier la nomination la semaine dernière de Lisa Boëll, éditrice historique d’Éric Zemmour, à la tête des éditions Plon, maison détenue par le groupe Editis, lui-même propriété de…Vincent Bolloré !

Quels sont les desseins du milliardaire, réputé proche de Nicolas Sarkozy ? Par quelles méthodes s’efforce-t-il de mettre au pas les rédactions dans son giron ? Dans ce numéro du 1, vous pourrez notamment lire le témoignage d’Antoine Genton, ancien meneur de la grève des journalistes d’i-Télé. Son récit glaçant fait écho à la longue enquête proposée par Isabelle Roberts et Raphaël Garrigos, qui soulignent à la fois la violence subie en interne dans ces médias, et leur emprise grandissante sur le débat politique. À quelques mois de la présidentielle, l’enjeu est rien de moins pour Citizen Bolloré que le contrôle de l’opinion. Et il apparaît urgent de rappeler que la pluralité n’a pas dit son dernier mot – sauf à donner raison à la boutade du démographe Alfred Sauvy : « La liberté de la presse est entière ; il suffit d’avoir les milliards nécessaires. » 

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