Fallait-il diffuser, à la veille du Black Friday, cette nouvelle grand-messe de la consommation, des spots publicitaires invitant à ne pas acheter des articles inutiles ? La question a déchiré le gouvernement, opposant sans gants le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et celui de la Transition écologique, Christophe Béchu. Le premier fustigeait une campagne « maladroite », nuisible au commerce, quand le second jugeait qu’elle n’était pas « déraisonnable » au vu des enjeux. Cette querelle de cabinets pourrait paraître anodine si elle n’était, en réalité, révélatrice des tensions au sommet de l’État et du décalage entre les discours et les actes sur la question environnementale.

Présent à Dubaï lors de la COP28, Emmanuel Macron s’y fait le prophète du combat pour la planète, défenseur de politiques ambitieuses face à l’urgence climatique. Mais en son pays, le président paraît parfois moins convaincu, promoteur d’une « écologie à la française » qui porterait haut la « bagnole » plutôt que le « modèle amish » – quitte à passer sous silence de nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles. La clé, selon l’Élysée, se trouverait dans la « croissance verte », formule magique censée réconcilier les deux « éco » – économie et écologie – autour de quelques mantras : développement durable, technologies écologiques, finance écoresponsable ou encore économie circulaire – autant d’oxymores apparents sur lesquels se penche ce numéro du 1 hebdo, pour mieux en comprendre les ressorts et les objectifs. Faut-il croire aux promesses de cette croissance verte, qui nous permettrait d’éviter la catastrophe sans bousculer nos modes de vie ? Ou n’est-ce qu’un label opportuniste, promu par des élites économiques qui souhaitent, comme le Guépard de Lampedusa, que « tout change pour que rien ne change » ?

Le chemin de la transition écologique est trop étroit pour faire l’économie de la cohérence

Face à la crise qui gonfle – qui est celle du climat, mais aussi celle des pollutions ou de la biodiversité –, il est légitime de vouloir ménager la chèvre et le chou, et de ne pas ajouter une tempête sociale à l’orage environnemental. Mais le chemin de la transition écologique est trop étroit pour faire l’économie de la cohérence. Et ceux qui demandent qu’on fasse confiance à la « science », qui serait capable de trouver la pierre philosophale pour assurer un avenir insouciant, sont bien souvent les mêmes qui rechignent à écouter les scientifiques lorsqu’ils réclament, à l’image du Haut Conseil pour le climat, un changement de politique économique. Étonnante schizophrénie qui laisse penser que si la croissance du futur se veut verte, elle n’est à l’évidence pas encore mûre. 

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