Vous me faites doucement rigoler, vous, les journalistes, avec vos velléités d’indépendance économique. Comme si vos publications pouvaient se passer d’un vrai patron ! Croyez-vous vraiment que vos lecteurs financeraient vos salaires et vos coûts d’impression ? Où en seriez-vous si des gens comme moi ne vous avaient sauvés de la faillite ?

Un patron est un patron. Rappelez-vous Marcel Dassault. Le grand avionneur avait fondé en 1954 le magazine Jours de France, consacré pour l’essentiel aux faits et gestes des « people ». Il l’envoyait gratuitement aux médecins et dentistes de France pour qu’ils le mettent à la disposition de leurs patients dans les salles d’attente. Il avait fixé la ligne éditoriale à ses chroniqueurs vedettes. À Catherine Nay : « Vous serez gentille avec la droite. Vous ne serez pas désagréable avec la gauche. » À Michel Drucker : « Si une actrice a un vilain nez, eh bien vous direz qu’elle a de beaux cheveux. » Il prenait lui-même la plume chaque semaine pour écrire ce qui lui chantait.

Ne croyez pas aux gentils patrons qui vous assurent, la main sur le cœur, ne chercher qu’à servir la liberté de la presse.

Le fiston, Serge Dassault, qui a pris le contrôle du Figaro en 2004, avait franchement annoncé la couleur cinq ans plus tôt : « Je souhaite posséder un journal ou un hebdomadaire pour exprimer mon opinion et peut-être aussi pour répondre à quelques journalistes qui ont écrit [sur moi] de façon pas très agréable. » Et, de fait, devenu le patron du Figaro, il ne s’est pas privé de faire pression sur la rédaction pour qu’elle dénonce les 35 heures, l’impôt sur la fortune et d’autres catastrophes.

Ne croyez pas aux gentils patrons qui vous assurent, la main sur le cœur, ne chercher qu’à servir la liberté de la presse. Indépendance, indépendance… Vous n’avez que ce mot à la bouche. Commencez plutôt par être indépendants des idées à la mode. Vos salaires seront, bien sûr, versés à la fin du mois. Merci qui ? 

Vous avez aimé ? Partagez-le !