J’étais adolescent et je me posais des questions sur le monde. Une exposition d’art africain avait été organisée dans mon lycée. Des antilopes en bois clair aux cornes fines et pointues, des tissus colorés, des statuettes couleur ébène. Le produit de la vente était destiné à une organisation humanitaire active auprès de villageois d’Afrique de l’Ouest. Il y avait aussi des livres illustrés, des revues sur le développement. Je me souviens du visage éclatant de cet enfant malien torse nu, dévorant une énorme tranche de pastèque, arrondie comme son sourire : le rouge rosé de la chair de ce fruit, encore inconnu pour moi, semblait source de bonheur autant que de vitamines et de jus frais. Sur une petite table, une pile d’ouvrages m’avait attiré. L’un d’eux portait ce titre intrigant : La Pauvreté, richesse des peuples. L’auteur s’appelait Albert Tévoédjrè, il était du Bénin. J’avais eu la curiosité de chercher ce pays sur mon globe lumineux qui me tenait lieu de lampe de chevet, un petit pays au bord d’un grand continent. Comment la pauvreté pouvait-elle être une richesse ? Il me fallut du temps pour comprendre qu’on est riche de ce que l’on est, plus que de ce que l’on a. Qu’on est riche de ce qu’on fait soi-même plus que de l’apport, même généreux, des autres. Sans le savoir, j’avais ouvert une brèche dans mon prêt-à-penser. Être pauvre, c’était aussi se soustraire aux faux-semblants de la richesse, celle qui brille, qui asservit et nous détourne de l’essentiel. 

Illustration : Statuette magique, Angola, avant 1933 © Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Dist. Rmn-Grand Palais / Patrick Gries

 

 

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