Notre monde numérisé est un paradoxe permanent, à la fois insaisissable et à portée de main. Il est possible de se perdre sur Internet, comme de localiser avec précision un ami dans une foule dense du 14-Juillet. Nous habitons un écran de téléphone mais, lorsqu’ils pianotent, nos pouces s’offrent des ailleurs, une balade en quelques clics dans une métropole inconnue sur Street View. Où sommes-nous ?

Pour y répondre, ce numéro spécial du 1 s’est tourné vers une alliée ancestrale de l’homme : la carte. Quand l’homme manquait de repères, il dessinait. Ainsi naît une carte : de l’envie de raconter les populations en les situant dans leur espace. De l’envie de certains aussi – nations libres ou dictatures – de contrôler, de posséder. Les cartes ne cessent de nous éclairer et de nous questionner. Une richesse que nous abordons ici avec deux institutions clés : l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), dont la mission publique est de produire des représentations cartographiques, et le Conseil national du numérique, qui interroge notre relation au numérique.

Comme les chiens qui ressemblent à leurs maîtres, les cartes ressembleraient à leur époque. Que disent-elles de nous aujourd’hui, quels sont leurs visages et leurs usages ? Quel est le pouvoir des maîtres, ceux qui, en le représentant, « produisent une vision subjective du monde » ? Quelles sont ces « cartes radicales » dont parlent les géographes Nepthys Zwer et Philippe Rekacewicz – des cartes « qui disent non » et peuvent permettre à des minorités de se voir reconnaître des droits territoriaux, économiques et sociaux.

Le GPS, à la fois cheval de Troie et extension de notre hippocampe

Dans son enquête, Hélène Seingier montre ainsi comment le numérique a permis de démocratiser l’accès à la cartographie, des collégiens de Seine-Saint-Denis aux Inuits. Pour autant, le contrôle de la représentation du monde reste pour l’essentiel l’affaire (rentable) d’une poignée d’acteurs privés, Google en tête, avec les applications Maps et Waze. Quel est alors le rôle de la puissance publique ? C’est la question que se posent Anne Alombert et Jean Cattan.

Plus que nous aider à nous repérer, la nouvelle fonction de la carte est de faciliter notre compréhension du monde, à l’heure où le numérique bouleverse nos repères et nos perceptions de l’espace. Surtout depuis l’arrivée d’un nouveau centaure, le GPS, à la fois cheval de Troie et extension de notre hippocampe – cette petite partie de notre cerveau qui joue un rôle essentiel au niveau de notre comportement, de notre mémoire et de nos émotions. Sans oublier le Métavers qui point à l’horizon.

Comment faire de la carte un outil de transition ? Les défis sont de taille. Les armées revendiquent des frontières, les virus traversent des aéroports, la mer avance… Ces réflexions auxquelles s’attelle l’IGN sont au cœur de la programmation « Déserts », proposée par le Festival de géographie de Saint-Dié-des-Vosges, dont le 1 est cette année partenaire ! 

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