Habitants de ce pays, du fond du verre des millénaires nous contemplent. L’Antiquité, la Bible, le Coran nous parlent en abondance du vin. Tantôt boisson de l’élévation, tantôt boisson de la chute, il trimballe avec lui un sacré surmoi. À tel point que ceux qui n’en boivent pas sont toujours prêts à s’excuser ou à s’expliquer. Voilà pour l’arrière-plan ! Mais le vin est aussi et surtout un univers de délices sensoriels. Avec le pain et le fromage, il forme une trilogie gustative d’une infinie richesse. Et il recèle une recette secrète du bonheur. « Je crois, disait Léonard de Vinci, que le bonheur vient aux hommes qui naissent là où l’on trouve le bon vin. » L’œnologue Jacques Puisais, que la fréquentation du bon vin a mené jusqu’à 93 ans l’œil et l’esprit vifs, pousse encore plus loin la parabole du bonheur et du vin dans le grand entretien qu’il nous a accordé : le goûteur avisé ne cherche pas tant son bonheur que le bonheur du vin qu’il est en train de boire. La définition même de l’amour ! Ce scientifique a participé en personne à un étonnant « retour aux sources » dans la France d’après-guerre : faire reculer les vins de table coupés, du type Kiravi, au profit des vins d’appellation, ceux « qui ont la gueule de l’endroit ». Les appellations d’origine, c’est du droit public, c’est laïque, aime-t-il à souligner.

 

Dans ce numéro consacré au vin, plusieurs femmes partagent avec nous leur passion et leurs connaissances. On découvre ainsi que Natacha Polony, outre sa casquette de journaliste, préside l’Institut du goût. À côté de son maître Jacques Puisais, elle prend le contre-pied d’une certaine mode : des vins bio, d’accord, mais à condition qu’ils soient bons ! L’historienne Azélina Jaboulet-Vercherre nous explique pour sa part que la médecine ancienne avait construit sur le vin toute une pharmacopée avec une intuition très moderne : la posologie doit être adaptée à chaque malade. Enfin, Ophélie Neiman raconte comment, enfant au nez constamment bouché, elle a travaillé dur pour apprivoiser les arômes et devenir blogueuse sous le nom de Miss GlouGlou.

 

Et puisque nous sommes en France, l’État fixe la norme. Au jeu de mots « État jacopain » de l’historien américain Steven Kaplan, pourrait faire écho l’« État jacovin » : le 17 mars 2020, lorsqu’il a mis la France à l’arrêt, il a décrété que les cavistes faisaient partie des commerces de première nécessité. Notre reporter Manon Paulic est allée voir si, comme chez Brassens, ils chantaient au milieu du naufrage : « le vin et le pastis d’abord, chacun sa bonbonne et courage ! » 

 

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