À la une du 1, ce qui saute aux yeux, c’est d’abord la couleur, l’énergie, une vie intense. Mais, en y regardant de plus près, ces carrés, ces cubes et ces courbes transmettent aussi des inquiétudes et des doutes. On distingue ici un éclair, là ce qui pourrait ressembler à une explosion, plus bas une belle cible. Avec des références à Malevitch et à Mondrian, le peintre Samson Kambalu s’amuse dans ces vignettes qui sont autant de drapeaux imaginaires de pays d’Afrique et d’ailleurs. Comme un DJ compose sa musique en remixant celle des autres, Kambalu bouscule l’histoire et la géographie. Quelle meilleure incitation à pousser la porte de l’exposition qui s’ouvre ces jours-ci au MAMC+ de Saint-Étienne, intitulée Globalisto : une philosophie en mouvement ?

Globalisto comme globe, bien sûr. Globalisto comme une promesse d’un monde affranchi de ses frontières. Le commissaire général de cet événement, le Sud-Africain Mo Laudi, a son idée sur la question. Ce musicien, tout à la fois DJ et plasticien, a souvent constaté en parcourant le monde avec d’autres artistes que certains franchissent les frontières sans peine quand lui-même doit s’y prendre trois mois à l’avance pour obtenir ses visas. « C’est à ce moment-là qu’a germé l’idée de Globalisto, confie-t-il, même si elle ne s’exprimait pas encore sous la forme d’un projet artistique. J’ai eu envie de capter cette liberté de circulation, cette idée que tout est connecté, circulaire. »

On l’a compris : Globalisto est une entreprise de décloisonnement. Un manifeste pour subvertir les étiquettes, les limites, les enrôlements. La volonté, selon l’expression de Mo Laudi, de « favoriser un dialogue des cultures plutôt que la cancel culture ». Pour accueillir cette tranquille audace, il fallait bien le Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne qui s’affirme depuis des décennies, avec sa collection de 20 000 œuvres, comme l’un des centres culturels les plus actifs et innovants.

Place est faite, aujourd’hui, à une majorité d’artistes vivants, dont l’histoire est liée, de près ou de loin, à l’Afrique. Sans drapeaux, sans hymnes nationaux, les diasporas noires sont ici chez elles. Comme en écho, le philosophe Achille Mbembe, dans l’entretien qu’il accorde au 1, revendique un droit universel à la mobilité. Son pouvoir de conviction et la force tranquille de ses arguments – puisés aussi bien chez Kant que dans les métaphysiques africaines anciennes – sont à l’exacte mesure de la puissance de l’esprit Globalisto. Une invitation au courage. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !