Mahmoud Darwich a incarné la cause palestinienne (son poème Identité est récité par tout le monde arabe). Né en Galilée, il suit enfant sa famille au Liban avant de rentrer dans son pays pour trouver « quelqu’un d’autre habitant sa maison et labourant le champ de son père ». Écrit quatre ans après la guerre des Six Jours, Silence pour Gaza décrit une terre ceinte d’explosifs qui « s’acharne à défendre son existence ».  

Elle n’est point, Gaza, la plus belle des cités…

Elles ne sont point, ses plages, les plus riantes des plages arabes.

Elles ne sont point meilleures, ses oranges, que toutes celles du Bassin méditerranéen.

Elle n’est pas la plus cossue d’entre les villes, Gaza ! (Du poisson, des oranges, du sable, des tentes frémissantes sous le vent, des denrées de contrebande, et des bras, des bras à vendre à qui veut en acheter !)

Elle n’est pas non plus la plus délicate ni la plus imposante, mais elle vaut le poids d’or de l’histoire d’une nation entière – parce que c’est elle la plus laide aux yeux de l’ennemi, et la plus miséreuse, la plus loqueteuse, et la plus méchante ! Et parce qu’elle est parmi nous, celle qui a su troubler toute euphorie et toute quiétude ! et parce qu’elle est un cauchemar et que ses oranges sont piégées, ses enfants sans enfance, ses vieillards sans vieillissement, ses femmes sans plaisirs ! Telle est Gaza, la plus belle, la plus sereine, la plus cossue, la plus digne, parmi nous, d’être aimée à la folie !

Extrait de « Silence pour Gaza », dans Poèmes palestiniens précédés de Chroniques de la tristesse ordinaire, traduction de l’arabe par Olivier Carré © Éditions du Cerf, 2009

 

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