Impasse du Parle-Tout-Seul
J’avais parlé avec quelqu’un.
– Ça ne manque pas de piquant !
 
C’est vrai. Mais l’autre c’était moi
Puisque cela est arrivé
Impasse du Parle-Tout-Seul...
 
Mais alors qu’y a-t-il à faire
De ce dialogue sans dialogue,
Cette parole sans parole ?
 
Rien ; car la vie est une meule
Qui moud la pénurie de blé :
Je ne parlais qu’à moi-même
Impasse du Parle-Tout-Seul…

Œuvres I : Cancioneiro, poèmes 1911-1935, traduction de Michel Chandeigne et Patrick Quillier, avec la collaboration de Maria Antónia Câmara Manuel et Liberto Cruz © Christian Bourgois Éditeur, 1988

 

 

Le Beco do Fala-Só, ou impasse du Parle-Tout-Seul, existait bien à Lisbonne. C’est là qu’en 1924 Fernando Pessoa créa l’éphémère revue Athena. Dix ans plus tard, il s’en souvient en promenant sa silhouette anonyme dans la ville. « Il faut que de moi j’aie pitié, écrit-il alors, puisque nul n’a pitié de moi. » 

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