Enrôlé de force à 15 ans dans l’armée du Guomindang, Shang Qin arrive à Taïwan en 1950. Son œuvre, mince mais capitale, le plus souvent apolitique, comprend vers libres et courtes proses, suggestives comme des rêves. Dont Girafe, paru en 1959, où la naïveté d’un jeune geôlier révèle l’inhumanité d’une prison. 

Comme le jeune geôlier constate, à chaque visite médicale, que le corps des prisonniers s’allonge, mois après mois, par le cou, il fait un rapport au directeur de la prison : « Monsieur, les fenêtres sont trop hautes. » Mais il reçoit pour réponse : « Non, ils guettent les ans. »

Le jeune geôlier compatissant ne connaît pas le visage des ans, il ignore le pays d’origine des ans, il ne sait où retrouver la trace des ans, alors, nuit après nuit, il va au zoo, à l’enclos des girafes, et fait les cent pas, dans l’attente de quelque chose.

Traduction de Martine Valette-Hémery dans Le Ciel en fuite. Anthologie de la nouvelle poésie chinoise © Éditions Circé, 2004

Vous avez aimé ? Partagez-le !