Frankenstein

Quel genre de monstre peut bien sommeiller dans l’esprit d’une jeune femme ? Dans la préface à l’édition de 1831 de son plus célèbre roman, Mary Shelley explique avoir voulu écrire « une histoire qui s’adresserait aux peurs mystérieuses existant dans notre nature et qui éveillerait une horreur poignante ; une histoire qui ferait que le lecteur n’oserait point regarder autour de lui, qui glacerait le sang et ferait battre plus vite le cœur ». Cette histoire, ce sera Frankenstein, roman surprenant et précurseur, qui posera ensemble les fondations de la science-fiction et de l’horreur.

Le livre, il est vrai, ne vient pas de nulle part. À défaut de l’électricité qui donnera vie à sa créature, c’est bien la littérature qui coule dans les veines de la jeune Mary. Fille de l’écrivain William Godwin, précurseur de l’anarchisme, et de la philosophe féministe Mary Wollstonecraft, elle « écrivaille » depuis l’enfance, bercée par ses lectures et un niveau d’instruction rare pour une jeune fille de l’époque. Lorsque débute l’été fatidique, en 1816, elle n’a pas encore 19 ans, mais déjà quelques cicatrices à l’âme. Depuis trois ans, elle connaît une passion dévorante pour Percy Bysshe Shelley, poète romantique de cinq ans son aîné, épris des idées radicales de Godwin, mais déjà marié – situation qui condamne les deux amants à une vie d’opprobre et de solitude sociale. En 1815, Mary a accouché d’une enfant prématurée, qui n’a survécu que onze jours et dont l’image viendra longtemps la hanter. Une autre grossesse a suivi, et la jeune femme a donné naissance à un garçon, William, en janvier 1816. C’est donc en famille, accompagnés de la belle-sÅ“ur de Mary, Claire Clairmont, qu’ils se lancent dans un voyage en Europe, en direction des bords du lac Léman, où Claire tombe rapidement amoureuse – et enceinte – de Lord Byron. Les jeunes gens décident alors de prendre leurs quartiers d’été dans la maison Chapuis, une petite demeure au bord de lâ