Quotidienne

Crime et Châtiment

Julien Bisson, journaliste

Chaque samedi, retrouvez la genèse d'un grand roman racontée par Julien Bisson dans Le 1 des Libraires. Aujourd'hui, le chef-d'oeuvre de Dostoïevski, Crime et Châtiment.

Crime et Châtiment
Pascal Rabaté

C’EST L’HISTOIRE d’un jeune homme fiévreux, l’esprit chahuté par les idées de son époque, et envoyé au bagne avant d’avoir 30 ans. Raskolnikov ? Non, Fiodor Dostoïevski. Très tôt, l’écrivain a côtoyé le crime et la mort. À 17 ans, son père est assassiné par ses serfs, plus tard absous par la justice. « L’homme est un mystère, écrit-il après l’événement. Je m’occupe de ce mystère car je veux être un homme. » Lui-même combat l’injustice, le servage, la censure et l’autoritarisme du tsar. Alors que sa carrière littéraire peine à décoller, il s’acoquine avec un groupe de socialistes utopistes, accusés par le pouvoir de sédition. Mis aux fers, il est condamné à quatre ans de bagne à Omsk, suivi de six ans de relégation en Sibérie. Le soir même, il écrit à son frère Mikhaïl : « Jamais ressources spirituelles, aussi abondantes et saines, n’avaient bouillonné en moi autant qu’aujourd’hui. » Pendant dix ans, Dostoïevski fraie avec le peuple de l’ombre, sonde ses abîmes et met à nu sa sincérité. Sont-ils coupables, ces misérables que le sort a menés là ? Ou est-ce la société qu’il faut blâmer, elle dont les geôliers se croient si supérieurs qu’ils n’hésitent pas a flageller et supplicier les prisonniers ?

Le 9 octobre 1859, l’auteur écrit à son frère Mikhaïl son intention d’écrire un « roman-confession », inspiré de sa fréquentation des prisonniers. « Je mettrai mon cœur et mon sang dans ce roman. Je l’ai projeté au bagne, couché sur le bat-flanc, en une minute douloureuse de chagrin et de découragement... » Le roman attendra pourtant quelques années. Car son retour à Saint-Pétersbourg, après dix ans d’exil, est marqué par d’autres projets – la création de la revue Le Temps, la publication de Souvenirs de la maison des morts. Dostoïevski erre à travers l’Europe, mais la mort le poursuit. En 1864, elle emporte successivement sa femme, son frère et l’un de ses meilleurs amis. Criblé de dettes, il redoute la prison, et vend ses droits sur ses œuvres non écrites pour amadouer ses créanciers. Mais il

15 juillet 2023
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