Quotidienne

Orgueils et préjugés

Julien Bisson, journaliste

Chaque samedi, retrouvez la genèse d'un grand roman racontée par Julien Bisson dans Le 1 des Libraires. Aujourd'hui, Orgueils et préjugés de Jane Austen.

Orgueils et préjugés
Chloé Cruchaudet

DEUX JOURS après avoir reçu son premier exemplaire d’Orgueil et préjugés, Jane Austen écrivit avec malice à sa sœur Cassandra : « Je veux te dire que j’ai maintenant mon propre enfant chéri à Londres. » Habituée à une société essentiellement féminine, l’écrivaine avait suivi les grossesses et les accouchements souvent difficiles de ses amies. Mais aucune d’entre elles n’eut à subir une gestation aussi longue, aussi tourmentée, que celle de ce formidable roman, entamé seize ans plus tôt alors que Jane avait à peine vingt ans, quelques écrits humoristiques de jeunesse derrière elle et un premier roman épistolaire, Elinor et Marianne, ébauche du futur Raison et sentiments.

Que sait la jeune femme de l’amour, au moment de se lancer dans la rédaction de l’une des plus célèbres romances de l’histoire ? Que connaît-elle des tourments du cœur ? Sans doute ce qu’elle a pu en saisir dans ses lectures d’adolescente, du Evelina de Fanny Burnley au Tom Jones de Henry Fielding. À moins qu’il ne faille y voir l’empreinte laissée par une passion fugace sur son esprit juvénile. En décembre 1795 s’installe à Steventon, près du presbytère familial, un certain Thomas Langlois Lefroy, neveu d’une voisine des Austen. Il a vingt ans lui aussi, il est brillant, ambitieux, et se destine à une carrière dans le droit – bien plus tard, il deviendra le plus haut magistrat d’Irlande, poste qu’il occupera jusqu’à ses 90 ans. En attendant, le jeune homme aime surtout sortir et danser dans ces petits bals que prise la gentry de l’époque. C’est lors d’une de ces festivités, organisée pour Noël, qu’il rencontre Jane. À deux autres occa- sions, ils se retrouveront durant la période des fêtes. Que se passe-t-il entre eux ? Difficile à dire. Voici ce que Jane veut bien avouer à Cassandra, dans une lettre du 9 janvier 1796 : « J’ai presque peur de te raconter comment mon ami irlandais et moi nous sommes comportés. Imagine-toi tout ce qu’il y a de plus dissolu et de plus choquant dans notre façon de danser e

08 juillet 2023
Retour

Nous vous proposons une alternative à l'acceptation des cookies (à l'exception de ceux indispensables au fonctionnement du site) afin de soutenir notre rédaction indépendante dans sa mission de vous informer chaque semaine.

Se connecter S’abonner Accepter et continuer