Le nombre des journalistes Durant les décennies suivant la Seconde Guerre mondiale, le nombre de journalistes n’a cessé d’augmenter en France pour atteindre 37 307 détenteurs de la carte de presse en 2009. Depuis, en dépit de la multiplication des médias numériques ou des nouveaux supports des médias traditionnels, leur nombre a diminué lentement mais régulièrement pour se situer à 35 238 à la fin 2016, soit une baisse de 5,52 %. Un chiffre modeste quand on le compare à ceux de pays tels que les États-Unis ou l’Espagne, où la diminution peut toucher quasiment un tiers des effectifs.

Parité
La parité est une des évolutions notables de la profession, puisque désormais 46,6 % des journalistes sont des femmes ; elles constituent même 54,6 % des nouveaux entrants. Autre mutation : la précarité a fortement progressé parmi tous les journalistes, contredisant l’image d’une élite de privilégiés. C’est ainsi qu’en 2016, 26,09 % d’entre eux étaient soit pigistes, soit demandeurs d’emploi. Mais ce pourcentage minore la réalité puisqu’il ne prend pas en compte les nombreux pigistes ou demandeurs d’emploi qui n’ont pas demandé ou pas obtenu leur carte de presse, faute de revenus suffisants.

Précarité
Dans son livre Les Journalistes français et leur environnement : 1990-2012 (Éditions Panthéon-Assas, 2014), Christine Leteinturier de l’Institut français de presse évoque la fragilisation de la profession. Le raccourcissement du temps d’exercice de ce métier en constitue selon elle un signe marquant. Désormais, on reste journaliste, en moyenne, une quinzaine d’années : à côté d’un noyau dur qui poursuivrait de longues carrières, une grande partie des effectifs l’abandonnerait au fur et à mesure des difficultés rencontrées.

Diplômes
Parallèlement à l’élévation du niveau d’éducation de la société, il est normal que les journalistes aient très majoritairement (90 %) suivi un cursus dans l’enseignement supérieur. En revanche, les disciplines qu’ils ont adoptées à l’université ou dans les grandes écoles ne recouvrent pas vraiment l’élargissement des domaines traités. Ainsi, seule une infime minorité (6 %) a choisi des cursus de sciences et technique ou d’économie. À l’inverse, plus de 80 % d’entre eux ont bénéficié d’une formation de type littéraire, au sens large du terme. Si l’entrée dans la profession n’implique pas nécessairement une formation au journalisme proprement dit, 60 % des journalistes ont reçu une forme ou une autre d’enseignement spécialisé pour se préparer à leur futur métier. 

Milieu social
Le fait que, globalement, le temps d’étude s’allonge, de l’ordre de bac + 5 ou + 6 pour les plus jeunes, entraîne une évolution sociologique comparable à celle que connaissent toutes les formations longues. Il en découle moins de diversité culturelle et sociale que ne pourrait l’induire une activité qui conduit à s’intéresser à des questions très diverses en entrant au contact d’un éventail de milieux le plus large possible. Pour autant, l’incontestable homogénéité sociale, avec un rattachement majoritaire aux couches moyennes intellectuelles, n’accrédite pas le stéréotype très répandu qui voudrait que tout journaliste ait fréquenté Sciences Po et côtoie dans sa vie privée et professionnelle les élites politiques ou économiques.

Diversité des fonctions
Loin de l’image d’une profession où régnerait un consensus sur les valeurs et les grandes orientations à privilégier en matière politique, économique, sociale – image qui a fait le succès du thème de la pensée unique aussi bien que des accusations de connivences avec les élites –, il faut plutôt prendre la mesure de l’hétérogénéité et de l’éclatement de la profession. Qu’il s’agisse de revenus, de spécialisation, de manière d’exercer l’activité, il n’y a pratiquement pas de point commun entre le petit cercle des éditorialistes, dont les seuls contacts avec le terrain sont les déjeuners avec les représentants des différents pouvoirs, et la masse des localiers de la presse régionale immergés au sein de la population. Il n’y a pas plus de points communs entre les reporters ou enquêteurs et les journalistes dits « assis », traitant des dépêches d’agence ou spécialisés dans les différentes fonctions d’édition, etc. 

Cette situation n’est pas si nouvelle. Elle était en revanche masquée par une hiérarchie de valeurs et de modèles professionnels qui faisait que le journalisme d’information politique et générale tendait à s’imposer comme seule figure, occultant toutes les autres. Dans une période de bouleversements et de mutations, le modèle est en crise. Il est largement contesté au sein même de la profession, mais surtout par le public qui met en doute sa représentativité et sa prétention à imposer sa vision du monde, de la société et des grandes questions qui la traversent. 

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