Attendons que la justice fasse son travail. Voilà bien la phrase la plus hypocrite qui soit. Attendre, mais qui attend, de nos jours ? Et la justice, on ne peut tout simplement pas compter dessus. La justice est lente, très lente, les raisons en sont connues : pas assez de budget, des procédures lourdes, des magistrats débordés, la vague montante des contentieux.

La justice est aléatoire : les affaires peuvent être classées sans suite, se terminer par un non-lieu (tout ça pour ça) ; souvent ses décisions sont suivies d’appels, les appels de cassation, la cassation de nouveaux jugements ; les nouveaux arrêts peuvent être cassés à leur tour, bref on n’est jamais sûr que la sentence à la fin soit celle qu’on aimerait. 

La justice a du mal à comprendre la hiérarchie de l’info : elle ne traite pas plus vite les affaires des people que celle des personnes lambda – comment être sûr que le public s’intéressera encore au sujet quand elle rendra son jugement ? 

La justice est nulle en communication : certes, elle est en principe rendue publiquement, tant pour les audiences que pour le prononcé des décisions, mais il y a des exceptions possibles pour tout ce qui tient au respect de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale, à la protection des mineurs ou à la protection de la vie privée ou, enfin, en cas de risque d’atteinte aux intérêts de la justice – en un mot, tout ce qui est potentiellement fun.

Nulle en communication, bis : pour savoir ce qui se dit à l’audience, il faut y aller, vous voyez un peu la perte de temps ? Sinon, on peut toujours interroger les avocats, d’ailleurs on ne s’en prive pas, sauf qu’ils ont inexplicablement tendance à défendre le point de vue de leur client. 

Nulle en communication, ter : pour connaître le résultat du jugement, le tiers qui n’est pas partie prenante peut en demander copie au secrétariat-greffe de la juridiction qui a rendu la décision ; ou, s’il est vraiment pressé, venir consulter sa copie affichée sur la porte de la salle d’audience. Bien plus ennuyeux encore, les décisions rendues dans le cadre de l’instruction sont théoriquement secrètes. 

À ce stade, chacun aura compris que la justice est elle-même rudement hypocrite : si tout ce qui précède était respecté, pourrait-on publier les PV d’auditions tenues dans le cabinet du juge d’instruction ? Connaîtrait-on et commenterait-on le verdict d’un procès pénal donnant lieu à appel ? 

Sachons donc vivre avec notre temps. Soyons conscients qu’un dépôt de plainte n’a aucun intérêt si personne n’en entend parler ; alors qu’à l’inverse, même une plainte jugée non recevable peut être du plus haut intérêt à condition de s’assurer qu’il lui soit donné la publicité nécessaire. Ce qui suppose évidemment qu’au moins une des parties, celle qui accuse ou celle qui est accusée, jouisse d’une notoriété suffisante. 

Mais les anonymes sont libres d’entrer dans la danse. Les réseaux sociaux ont ouvert cette voie à tous. Un tweet pour déglinguer un lourdaud, un désinvolte, un trop entreprenant est plus efficace et plus rapide qu’un procès : 140 caractères suffisent, 280 pour les besogneux. Bienvenue dans le monde de la vindicte ! 

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