Comment appréhendez-vous la libération de la parole sur les agressions sexuelles dans la sphère médiatique ?

J’y vois d’abord un phénomène de société. Les femmes portent une accusation vis-à-vis de leurs agresseurs. Cette accusation traitée par les réseaux sociaux et non par une institution, on peut l’appeler agression morale pour la différencier de ce qui relève du judiciaire. C’est à la fois un opprobre jeté contre quelqu’un et en même temps, de la part de la personne qui accuse, une volonté de faire payer à l’autre la honte subie. Il y a là une dimension vengeresse qui mène à une impasse.

Pourquoi ?

Si une femme lance une accusation, l’accusé va lui retourner cette accusation. L’un va porter plainte pour dénonciation calomnieuse, un autre pour diffamation. C’est indignation contre indignation : dans ce jeu d’ardoise pivotante, il n’y a pas d’issue judiciaire. On veut faire payer à l’autre ce qu’on a subi. La victime devient le double de son agresseur en inversant la charge de la honte qu’elle porte et qu’elle veut reporter sur son agresseur. Celui qui se sent persécuté peut devenir le persécuteur. N’oubliez pas que la justice est née contre la vengeance.

Ces accusations qui court-circuitent la justice seraient donc vaines ?

Non, car à côté de la dimension vengeresse, il existe des alertes parfaitement justifiées pour permettre aux femmes de sortir de l’impasse. Dans le cas de l’affaire Weinstein, face à un système d’abus sexuels généralisé et organisé, les victimes n’avaient pas d’autre solution que de lancer une alerte dans les médias. Quand on est devant un abus de pouvoir avec agressions sexuelles caractérisées et un nombre de victimes important, ce procédé est justifié. Il faut garder à l’esprit l’enquête récente de l’INED qui évalue à un million pour les femmes et moitié moins pour les hommes le nombre de pers

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