Elle nous incline, la tour Eiffel. À la renverse quand on est en bas, vers le bas quand on est en haut. Elle nous incline à la poésie. Les vers de ses contemporains semblent nous parler d’elle : « Non ! non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! » (Rostand) ; « Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté » (Mallarmé). Elle nous incline, canaille, à la chanson populaire – « PARIS, mais c’est la tour Eiffel, avec sa POINTE qui MONTE au ciel ! » – pour d’autres refrains, suivez le guide Philippe Meyer. Elle nous incline à l’art moderne – peintures, gravures, photos – dépliez, dépliez le 1 et vous verrez. Elle nous incline à la rigolade, la tour Eiffel, quand on pense qu’il s’est trouvé en 1925 un escroc pour la vendre au poids du métal, et un naïf pour l’acheter – Corinne Klomp nous trousse ça page 3. Elle nous incline à l’émerveillement – tant de tonnes, tant de mètres, tant de millions, tant de gens, tant de projets – lisez son histoire racontée par Robert Solé, qui s’y connaît en obélisques, et lisez aussi son futur immédiat expliqué par Anne Yannic, patronne de la tour Eiffel, et Laurence Mithouard, responsable des travaux : près de sept ans de rénovation afin que la grande dame soit au top pour les JO de 2024.

Pour ma part, sacrée tour, elle m’a révélé des penchants insoupçonnés : les sciences de l’ingénieur, j’adore ! Prenez une tour en maçonnerie. Au-delà de 12 étages, le poids est tel qu’elle s’enfonce et s’affaisse, même si les murs à la base sont d’une énorme épaisseur. La tour de Babel n’aurait pas tenu. Spécialiste de l’architecture métallique, Bertrand Lemoine nous présente, pages 5-6, la famille Gratte-Ciel. Mais il faut aussi l’entendre parler avec flegme de l’extrême simplicité de la tour Eiffel : « Technologie des viaducs. C’est juste un pylône de pont extrapolé à une hauteur extraordinaire, en courbe pour mieux résister à la force du vent. » Quant à l’assemblage du métal, c’est un jeu d’enfants : « Des barres, des plaques, des cornières, des rivets. De tailles différentes, adaptées aux situations. On fait des trous dans les pièces, les trous viennent coïncider, on met des rivets, une sorte de clou chauffé au rouge donc un peu mou, on écrase la tête du rivet à coups de marteau, en se refroidissant il se contracte : les pièces sont assemblées. » La science de l’ingénieur rejoint la science du vivant : « Un vocabulaire de pièces extrêmement réduit. Avec quatre types de pièces on fait l’architecture moderne. Avec quatre éléments de base on fait l’ADN de tout ce qui est vivant sur terre. » 

 

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