C’est une histoire presque aussi vieille que la politique. Même la monarchie crut trouver des sauveurs hors des murs de la Cour. Souvent pour le pire. Dès 1716, le Régent espère régler les énormes dettes léguées par le Roi-Soleil en appelant auprès de lui un aventurier de la Finance, l’Écossais John Law. Son nom est surtout devenu synonyme de banqueroute. Soixante ans plus tard, Louis XVI appelle à ses côtés un banquier suisse, Jacques Necker, pour sauver lui aussi le pays de la faillite. Il ne sut que provoquer la révolution de 1789 par « sa condescendance extrême », selon le mot même du roi. 

Rares, en fait, sont les ministres de la société civile qui ont laissé, en bien ou en mal, une empreinte. Irène Joliot-Curie est plus connue pour son prix Nobel de chimie en 1935 que pour les trois mois qu’elle passa en 1936 au poste – tout juste créé – de sous-secrétaire d’État à la Recherche scientifique dans le gouvernement du Front populaire. Ce passage éclair demeure un symbole trop oublié : elle fut, avec la socialiste Suzanne Lacore et la radicale Cécile Brunschvicg, l’une des trois premières femmes à siéger dans une équipe ministérielle !

Depuis 1958, la Ve République a fréquemment tendu la main à des personnalités extérieures au monde politique. Longue liste dans laquelle les réussites sont rares. Que d’étoiles filantes ! Et aussi quelques pages d’histoire. En 1962, le général de Gaulle étonne son monde en nommant à Matignon un banquier inconnu venu de chez Rothschild : Georges Pompidou. Il sera son successeur à l’Élysée en 1969. Les succès du professeur d’économie Raymond Barre sont moindres. Et pour cause : il a échoué au pied des marches de l’Élysée. Néanmoins, ses cinq années à Matignon l’ont hissé au rang des grands gouvernants. 

Avocat de renom, homme de gauche, Robert Badinter, lui, est entré en politique pour faire aboutir le combat de sa vie : l’abolition de la peine de mort. Devenu garde des Sceaux en juin 1981, il impose sa loi dès le 9 octobre 1981. Dès lors, il ne s’éloigne plus de la vie publique. Président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995, il devient ensuite sénateur et reste pour toujours « l’homme de l’Abolition ». La réussite de Simone Veil, magistrate devenue ministre en 1974, est comparable : sa loi sur l’avortement est un gage de postérité et son engagement européen, une signature indélébile. Reste que sa popularité indestructible n’est jamais devenue un capital électoral. Pas plus, d’ailleurs, que la renommée d’André Malraux ! Immense écrivain, ministre de la Culture légendaire, il ne voulut servir que le général de Gaulle. Pour tous les autres ou presque s’applique la locution latine Sic transit gloria mundi : « Ainsi passe la gloire du monde. » 

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