1,5 milliard d’arrivées internationales de touristes en 2019, auxquelles il faut ajouter les 5 ou 6 milliards de touristes domestiques ; un emploi sur dix ; 10 % du PIB... Tels étaient les chiffres du tourisme mondial avant la crise sanitaire. Et pour 2030, on anticipait 1,8 milliard d’arrivées ! En France, 89 millions d’arrivées internationales ont été enregistrées en 2018 et 118,6 millions étaient attendues à l’horizon 2028. Selon les projections du World Travel & Tourism Council, la contribution totale du tourisme à l’économie française, d’environ 8,9 % du PIB en 2018, pourrait atteindre 9,4 % en 2028. Le tourisme totalisait en 2018 2,87 millions d’emplois (directs et induits), soit 10,1 % de l’emploi total dans 313 000 entreprises (3,3 millions d’emplois à l’horizon 2028, soit près de 11,3 % de l’emploi).

Il aura fallu la pandémie pour que l’importance économique du tourisme à l’échelle mondiale et française resurgisse. Avant la crise actuelle, la question était de savoir comment lutter contre le surtourisme, en particulier dans les villes. Aujourd’hui, c’est l’absence de touristes qui inquiète. Cette dialectique est bien connue au cœur du tourisme, à la fois source de croissance et d’emplois et d’externalités négatives. Les touristes et leur polarisation dans les hauts lieux permettent l’entrée de revenus qui contribuent à la création et au maintien des emplois dans de nombreux secteurs (transport, hôtellerie-restauration, culture, activités de loisir…). Mais le tourisme contribue également à la dégradation des patrimoines naturels, matériels, culturels. S’il est à l’origine d’une appréciation des biens immobiliers des propriétaires dans les villes et territoires touristiques, il empêche les habitants et les travailleurs de se loger. S’il contribue à créer de l’activité économique, il induit une spécialisation qui entrave le développement d’autres activités, en particulier pour les habitants.

Dans son baromètre du tourisme mondial, en mai 2020, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) considère que la chute des arrivées de tourisme internationales (de - 850 millions à - 1,1 milliard) pourrait induire une perte de 910 milliards à 1 200 milliards de dollars et menacer 100 à 120 millions d’emplois directs. Selon les Nations unies, en Afrique, c’est deux millions d’emplois directs et indirects qui devraient disparaître. Des populations entières vont en pâtir, dans un contexte où l’État providence est absent.

À Paris, première destination mondiale, et plus généralement en Île-de-France, en mars 2020, 46 % des professionnels du tourisme ont accusé une perte de 50 à 75 % de leur chiffre d’affaires (comparé à mars 2019), 35 % ont perdu de 75 à 100 % de celui-ci. Et pourtant la dépendance de Paris au tourisme est assez faible. En Corse, où le tourisme représente 11 % de l’emploi total, sept salariés privés sur dix ont été mis en chômage partiel (Insee, 2020). De nombreux territoires vont être fragilisés. Les campagnes pour faire redécouvrir aux touristes français les charmes de notre pays suffiront-elles à limiter l’impact de la crise ? Je ne le crois pas. Mais dans un contexte de changement climatique, et de conflits associés au surtourisme, le tourisme de masse doit être questionné. La crise pourrait alors être un outil pour penser et inventer un nouveau tourisme plus respectueux des territoires, des habitants et des cultures. 

 

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