Parce qu’on le voyait rêvasser, on prit La Fontaine pour un paresseux. Le poète renchérit dans ce malicieux autoportrait en forme d’épitaphe. Comme dans Le Laboureur et ses enfants, on y trouve les mots fonds et trésor. Le fabuliste, qui hérita des dettes de son père, lutta sa vie durant pour s’assurer une situation.  

 

Épitaphe d’un paresseux

Jean s’en alla comme il était venu, 
Mangea le fonds avec le revenu, 
Tint les trésors chose peu nécessaire. 
Quant à son temps, bien le sut dispenser : 
Deux parts en fit, dont il soulait passer 
L’une à dormir et l’autre à ne rien faire. 

Vers 1660, Poésies diverses, 1695

 

Le Laboureur et ses enfants

Travaillez, prenez de la peine :
C’est le fonds qui manque le moins.
Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l’endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’Oût.
Creusez, fouiller, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu’au bout de l’an
Il en rapporta davantage.
D’argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor.

Fables choisies et mises en vers, Livre V, Fable ix, 1668

 

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