L’Europe est la plus belle invention des Européens. Et notre plus grande défaite. Elle brille aujourd’hui par son incapacité à exister. La crise ukrainienne a été un révélateur cruel de la corruption de la pensée qui nous mine. Par notre obsti-nation à nous fabriquer un ennemi (la Russie) sur notre sol, notre désinvolture face à l’histoire et à la simple vérité, par notre façon de jeter de l’huile sur le feu tout en nous parant de bonne conscience démocratique, qu’avons-nous démontré ? Notre -impuissance d’inter-vention face à une crise majeure, notre difficulté à penser de façon autonome le futur proche de notre continent, notre soumission naïve au Kriegspiel américain. (Obama au moins, lui, joue sa partition ; il défend les intérêts de son pays, affaiblit la Russie et entretient le désordre sur notre continent.) Les bâtisseurs de l’Europe avaient forcé le cours des choses en créant un espace pacifié, des institutions communes, un grand marché et une monnaie unique. Le temps est venu d’une nouvelle étape : passer à l’essentiel. Qui sommes-nous ? Pourquoi l’Europe est-elle notre maison ? Quel rôle -allons-nous lui donner et au nom de quoi ? Or -l’Europe a décidé que les Européens -devaient -oublier leur trésor d’histoire et d’aventure et leur socle judéo-chrétien. A-t-on jamais vu un asthénique profond guérir après une cure d’amnésie ? Dans Le Passé d’une illusion, François Furet écrit que les Allemands et les Russes, deux grands peuples européens, étaient incapables, à cause des crimes qu’ils ont commis, de donner un sens à leur xxe siècle. En fait, c’est le continent tout entier de l’humanisme qui a été contaminé. Je suis un patriote français donc un patriote européen. Pas de survie pour la France sans Europe, pas d’Europe sans puissance, pas de puissance sans identité et volonté communes. Nous voulons construire une nouvelle puissance qui se nomme l’Europe. Il faut réformer en profondeur les insti-tutions européennes, forger autour du couple franco-allemand, et avec quelques pays proches, un instrument de volonté et s’accorder sur un triple objectif de souveraineté européenne -intégrée : la recherche, la défense, la politique extérieure. Refusons d’abandonner notre vieux continent aux jachères de l’esprit et de la volonté, essayons de rendre sa liberté à l’intelligence européenne, existons, si nous le voulons ! Il est temps de donner un sens à notre xxie siècle.

 

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