Les Français et leurs médias se passionnent-ils pour les mêmes sujets ?

Selon le millier de personnes interrogées par la société TNS Sofres et le journal La Croix, baromètre de référence depuis trente ans sur la confiance dans les médias, la réponse est non. Les résultats de l’année 2015 mettent en évidence une saturation des sujets dits « people » d’un côté, et un manque de couverture de certains événements internationaux de l’autre. 

Pour 69 % des sondés, les médias ont accordé trop d’importance à l’affaire de la sextape du joueur de football Mathieu Valbuena. 56 % jugent avoir trop entendu parler des scandales financiers de la FIFA et 53 % des résultats du FN au premier tour des élections régionales. À l’inverse, 44 % auraient souhaité un traitement plus approfondi de l’attaque de l’université kenyane de Garissa, 40 % davantage d’explications sur l’attentat de Beyrouth du 12 novembre et 44 % un décryptage plus détaillé de la suppression des classes bilangues à l’occasion de la réforme du collège. 

Des chiffres peu surprenants : en 2014, les sondés reprochaient déjà aux journalistes un traitement trop superficiel de l’enlèvement des 276 lycéennes nigérianes et de la destruction en vol d’un avion de Malaysia Airlines au profit d’une surmédiatisation du livre de Valérie Trierweiler et de l’affaire Julie Gayet. 

Lassitude du sensation-nalisme et de la peopolisation, volonté d’approfondissement des sujets… Enquête après enquête, les lecteurs, téléspectateurs et auditeurs français ne manquent pas de multiplier les reproches à l’endroit des journalistes et de répéter qu’ils désirent une presse plus « intello ». 

Selon Carine Marcé, directrice associée chez TNS Sofres, ces déclarations sont à prendre avec du recul. « Il s’agit d’un constat subjectif de l’ensemble de la population française parmi laquelle sont aussi représentés les non-lecteurs de presse », explique-t-elle. Réservée sur les sujets pointés du doigt par les sondés, elle « soupçonne un grand nombre de personnes interrogées d’avoir découvert les deux attaques à l’occasion de l’étude. C’est le genre de sujets que les gens réclament mais ne lisent pas ! »

François Ernenwein, rédacteur en chef de La Croix, partage le même point de vue : «  Les réponses à ce questionnaire sont parfois paradoxales, il faut s’en méfier. » En 2006, lors de la Coupe du monde de football, « les gens estimaient qu’on avait trop parlé du coup de tête de Zidane, mais ceux qui répondaient au sondage ne parlaient eux-mêmes que de cela ». 

Si la confiance accordée par les Français aux médias est toujours en berne, les trois quarts d’entre eux déclarent néanmoins être satisfaits de la manière dont les attentats perpétrés sur le territoire national ont été traités, événements qui figurent parmi les plus marquants de l’actualité en 2015. 

Réel désamour ou mauvaise foi ? Pour Carine Marcé, les résultats de cette enquête ne devraient pas inciter les journalistes à remettre en question leurs choix de sujets, mais plutôt « à trouver d’autres manières de les traiter ». François Ernenwein rappelle pour sa part que ce baromètre revêt une réelle importance : c’est l’outil qui permet de se rendre compte sur la durée de « la perception qu’ont les Français des médias », et de maintenir actif « un chantier de questionnements quant à la crédibilité » de ces -derniers. 

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