THEM (Danemark). Le centre de contrôle offre une vue panoramique sur le bétail. Assis sur sa chaise pivotante, Hans Skovgaard a les yeux rivés sur son écran d’ordinateur poussiéreux. Deux fois par jour, il vient s’enquérir de l’état de ses cinq cents vaches, dont l’activité se lit sur des graphiques colorés, en jauges et en pourcentages.

Installé dans la campagne du -Jutland, au cœur du Danemark, Hans fait partie des 20 % d’agriculteurs danois à avoir robotisé leur ferme pour pouvoir agrandir la taille de leur troupeau. En 1991, le pays recensait environ 34 000 chefs d’exploitation à plein temps. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 11 000. Si le nombre de fermes a chuté, leur taille a quant à elle considérablement augmenté. 

Dans la gigantesque étable de Hans, les vaches déambulent librement. Mais quand vient l’heure de la traite, nul besoin de leur montrer le chemin : elles savent où se trouvent les sept trayeuses automatiques réparties dans l’étable. « Au début, on aide les bêtes à comprendre le système, explique l’éleveur qui a abandonné la traite manuelle en 2003. Si au bout de quelques semaines elles n’y vont pas d’elles-mêmes, je les vends à une autre ferme. »

L’activité de son domaine dépend presque entièrement du bon fonctionnement de ces imposantes machines rouges. Attirées par une ration de granulés, les vaches viennent s’y placer à tout moment du jour et de la nuit, laissant les portes se refermer le long de leur flanc. Le processus est complètement automatisé : le robot commence par identifier l’animal grâce à son collier électronique, puis détecte l’emplacement de son pis à l’aide d’une caméra intégrée. Celui-ci est débarrassé de ses saletés par un rouleau nettoyeur, avant d’être scanné par un laser rouge qui détermine l’emplacement exact des mamelles, au millimètre près. Les gobelets-trayeurs s’emboîtent sur elles et la traite démarre alors sans qu’aucun humain ne s’en mêle. 

Cet investissement de près de 100 000 euros par robot permet à Hans de travailler avec une équipe réduite : deux hommes suffisent pour ses cinq cents vaches. Car ici, la traite n’est pas la seule activité robotisée : six fois par jour, une nacelle fait le tour de l’étable pour distribuer les rations et un aspirateur nettoie les allées. Marian, 27 ans, travaille sur l’exploitation depuis six mois pour un salaire mensuel d’environ 2 500 euros. Originaire de Roumanie, il compte repartir dans quelques années pour fonder sa propre ferme. Chez Hans, il économise plus qu’il n’apprend. « Mon travail consiste simplement à vérifier que tout se passe bien », résume le jeune agriculteur. « Et à surveiller les vaches qui posent problème ! » ajoute Hans. Chaque jour, l’ordinateur relié aux colliers électroniques signale les cas préoccupants. « On a toujours cinq vaches à surveiller de plus près, explique-t-il. Souvent, elles ont manqué la traite ou leur lait n’est pas bon. Dans ce cas, le robot rejette automatiquement le lait qui ne correspond pas à nos critères de qualité. » 

Robotiser la traite coûte à Hans un centime d’euro de plus par litre de lait. Pourtant, l’éleveur reste convaincu que la garantie d’un produit de qualité est un avantage considérable, voire indispensable, face à la crise agricole qui frappe le Danemark de plein fouet. « Ici, c’est comme en France, confie-t-il. Le prix du lait est trop bas, les fermiers perdent de l’argent. Ce serait mon cas si mon troupeau était plus réduit, ou si je n’avais pas adhéré à une petite coopérative qui achète mon lait un peu plus cher que la moyenne. » 

Située à deux kilomètres de sa ferme, la coopérative de Them transforme en fromages les 62 millions de litres de lait produits chaque année par les 27 fermiers du coin qu’elle fédère, et se charge de leur distribution. Une structure minuscule en comparaison avec Arla, la géante des produits laitiers née de la fusion de coopératives locales. Cette dernière, qui réunit 12 700 agriculteurs issus de sept pays différents, traite et distribue 90 % du lait danois. 

Ferme géante et petite coopérative : la combinaison gagnante d’Hans Skovgaard. Mais quid du bien-être animal dans une structure aussi imposante ? Contrairement aux 600 cochons qui s’ébrouent en liberté sur le domaine, les vaches passent cinq à six ans dans leur étable, sans jamais fouler l’herbe d’une prairie. Hans garantit pourtant être très attentif au confort de ses bêtes. « Plus une ferme est grande, plus il faut veiller à leur santé car si un trop grand nombre tombe malade, tu es mort financièrement », constate l’éleveur, qui a préféré le sable aux copeaux pour recouvrir leur plancher. « Toutes les nouvelles fermes adoptent ce système. Les bactéries détestent le sable, les vaches ont moins mal aux membres et restent propres. » Ses robots, aussi, l’aident à surveiller la santé du troupeau. Selon Hans, il est beaucoup plus facile de garder des vaches en bonne santé dans une ferme robotisée que dans une ferme traditionnelle. Hausse de la température, sous-nutrition, immobilité… le moindre changement de comportement est transmis à l’ordinateur. « Nos vaches ne sont pas plus résistantes qu’ailleurs, dit-il, mais elles sont prises en charge plus rapidement. » 

Alors, pourquoi pas mille vaches ? Lorsque son fils viendra travailler avec lui sur l’exploitation, Hans Skovgaard n’hésitera pas à augmenter la taille de son troupeau. « Si vous m’aviez dit, il y a vingt-cinq ans, que ma ferme compterait cinq cents vaches, je ne l’aurais pas cru, confie-t-il. Mais dans le contexte actuel, se développer n’est pas un choix, c’est une nécessité. »

Dans un coin de l’étable, les deux employés aident une génisse en difficulté à mettre bas. Chacun un bout de corde à la main, ils tirent de toutes leurs forces sur les pattes du veau qui peine à sortir. Un jour, peut-être, des robots auront aussi le privilège de cette mission… Pour l’heure, dans la ferme de Hans, il reste encore le moment de la naissance pour maintenir un contact entre les bêtes et les humains. 

Pour découvrir le reportage d'Elsa Delaunay, TROIS FERMIERS POUR UN POTAGER BIO DE 1,4 HECTARE, cliquez ici : http://le1hebdo.fr/numero/95/trois-fermiers-pour-un-potager-bio-de-1-4-hectare-1477.html

 

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