C’est la nuit que les migrants de Calais tentent de passer en Angleterre. Mais, pendant le jour, dans leur jungle, à quoi rêvent-ils ? De désert, de rizières ? Ou de vertes pelouses anglaises, rasées de frais ?

Quelques-uns de ces exilés se souviennent peut-être du Livre de la jungle qu’on leur racontait, enfants. Quand Mowgli, grandi parmi des loups, était devenu rétif au commandement, Baloo, l’ours brun, l’avait mis en garde : attention, la loi de la jungle est comme la liane géante, elle tombe sur le dos de chacun, et personne ne lui échappe. Que m’importe ! doit penser le migrant qui est prêt à tout pour atteindre l’eldorado britannique : je suis un hors-la-loi.

Ici, à Sangatte Blériot-Plage, lui a-t-on parlé de l’ingénieur qui, le 25 juillet 1909, avait réussi la première traversée de la Manche en avion ? Que d’échecs Louis Blériot n’avait-il pas essuyés avant de mettre au point son monoplace doté d’une hélice en bois ! Quelques jours plus tôt, il s’était d’ailleurs brûlé au pied alors qu’il expérimentait un autre prototype. Et c’est à l’aide de béquilles qu’il avait rejoint la carlingue décapotable, pour affronter la Manche, lui qui ne savait pas nager…

Le migrant, assis sur une planche, à la lisière de la jungle, fume rêveusement. Un homme qui s’élève dans les airs… Personne n’avait puni Blériot d’avoir défié ainsi les lois de la nature. Au contraire : accueilli en héros de l’autre côté de la mer, après 32 minutes de vol, ce hors-la-loi avait reçu la somme de 25 000 francs-or, offerte par le Daily Mail. De quoi payer mille passeurs, et même davantage ! 

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