… Qu’est-ce qui nous remonte maintenant à la gueule ? Les vieilles structures, les vieux romans, les vieilles fictions judaïques, chrétiennes, islamiques. Rabbins, curés et mollahs se frottent les mains ! Et Nietzsche en crève de rage dans sa tombe ! Alléluia ! On va pouvoir enfin à nouveau s’étriper, -s’excommunier, s’ostraciser, se censurer, se mettre à l’index. Vade retro Satana. Les dieux ont soif ! Tartuffe is back again ! À genoux Uriel da Costa ! Rampe Spinoza ! Marx aux galères ! Omar -Khayyam à l’eau de Vichy ! Ressortons du placard aux accessoires de l’Inquisition les vieux san--benitos mangés aux mites, empilons du bois sur le bûcher des autodafés ! Réexpulsons les morisques d’Espagne, les juifs ! Ou relançons les hordes ottomanes à la Reconquista de Vienne ! À nous l’Alsace et la Lorraine ! L’an prochain à Jérusalem ! Istanbul ou Constantinople ? Lépante (1571). Poitiers (732). Délivrons le tombeau du Christ ! Saint Louis ! Isabelle de Castille ! Ferdinand d’Aragon ! -Torquemada ! Balançons sur Rome des commandos d’évangélistes et d’islamistes pour détruire l’idolâtrie qui partout y triomphe : dans les églises, les palais et jusqu’au cœur même du Vatican. Lacérons ces représentations de la Vierge dont les modèles vivants furent bien souvent des prostituées recrutées par les voyous libidineux Caravage ou Raphaël. Brisons l’obscène statue de David par Michel-Ange ! Abrogeons enfin ce catholicisme romain paganisé de la Renaissance, où les dieux de la Grèce et de la Rome antiques -ré-investirent vicieusement Yahvé et ses prophètes (« Le Christianisme vaincu là même où il siège», ironisait Nietzsche qui rêvait d’un « César Borgia pape ! »). À l’aide Calvin ! Luther ! Mahomet ! Moïse ! Oussama Ben Laden ! Abou Bakr Al--Baghdadi ! Arrêtez ce scandale d’individus qui profanent la Face de Dieu en osant représenter l’Homme créé à son image !... 

 

Alors que le pornocrate Michel-Ange agonisait, le concile de Trente, au printemps 1564, n’a-t-il pas su remettre les montres à l’heure (nous voulons un nouveau concile de Trente, et de Quarante même !) en décidant de donner un coup de balai dans ces ignobles scènes de partouze, agrégats de croupes, de sexes juxtaposés, que sont les fresques de la chapelle Sixtine, œuvres du susdit Michel-Ange (n’osa-t-il pas peindre jusqu’au cul nu d’un Jéhovah vu de dos dans sa Création des astres et des plantes ?). À l’époque on avait embauché un collaborateur du maître défunt pour occulter tous ces sexes et ces fessiers, Daniele da Volterra. Il leur peignit des « caleçons », ce qui lui valut le petit nom de « Braghettone » (poseur de culottes). Mais je pense qu’il faudrait aller beaucoup plus loin aujourd’hui. Réunir à Rome, Jérusalem ou La Mecque un Grand Concile où juifs, chrétiens et musulmans de toutes obédiences, calvinistes et chiites, sunnites et hassidim, orthodoxes et hétérodoxes, Tariq Ramadan, l’imam Chalghoumi, Alain Finkielkraut, Roger Cukierman et le CRIF, le pape François, l’ayatollah Ali Khamenei, Benyamin Netanyahou, Philippe de Villiers, Meyer Habib, Bernard-Henri Levy, pourraient prendre cette sage décision : embaucher d’un commun accord, avec l’aide financière du Qatar et de l’Arabie saoudite, un émule de Pierre Soulages ou Kazimir Malevitch afin de ripoliner en noir ou blanc Le Jugement dernier de Michel-Ange et d’en faire ainsi, ce qui réconcilierait tout le monde (Dieu inclus), une œuvre ABSTRAITE. Et de ce fait Œcuménique. Un Monochrome !

 

Loin d’y perdre, le patrimoine de l’humanité y gagnerait, d’autant que les réfections récentes des peintures de la Sixtine ne seraient pas, dit-on, une réussite. À moins que, solution inverse, on tentât de mettre fin aux conflits du Moyen-Orient (et de ce fait aux peurs juives et arabes) en soumettant judaïsme et islam au traitement de choc que subit le christianisme de la Renaissance (avant l’hérésie protestante !) transmué de l’intérieur par la vitalité d’un paganisme ressuscité ? « Le triomphe de la Vie », disait Nietzsche (encore lui !). Pourquoi, par exemple, ne replacerait-on pas sur le mont du Temple à Jérusalem (alias esplanade des Mosquées et réciproquement) quelque belvédère antique, comme les Romains en construisirent sur place jadis ? Y trônerait en majesté, sans tchador ni kippa, nu comme la Vérité, un Apollon, ou plutôt une Vénus ? Praxitèle contre le Hamas et le Likoud ? Mais nous n’en sommes pas là. Les vieux démons, les vieilles structures, les vieilles fictions se sont réveillés : Dieu ! Ce pauvre artefact… Où sont les Theodor Adorno, les Isaac Deutscher, les Walter Benjamin, les Max Horkheimer, les Hannah Arendt… autant de Juifs qui n’étaient pas QUE des Juifs ? Voir le beau livre d’Enzo Traverso, La Fin de la modernité juive.

 

Je rigole bien sûr (d’autres ont payé cher d’avoir voulu rigoler, c’est vrai !). C’est une subtile étude que de s’amuser avec des choses tristes. 

 

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