En adressant à l’administration française leur dossier de demande de naturalisation, les étrangers doivent préciser leurs motivations. Nous publions ci-dessous quelques extraits de lettres de demandeurs devenus illustres. Toutes ces correspondances sont extraites du livre de Doan Bui et Isabelle Monin, Ils sont devenus français (JC Lattès, 2010).

 

Guillaume Apollinaire
En 1914, le poète Guillaume Apollinaire (Guillaume Kostrowitsky), d’origine polonaise, est âgé de 34 ans. Il demande alors la nationalité française.

Monsieur le Ministre,
Je souhaite vivement obtenir la naturalisation française.
J’eusse voulu, les circonstances le permettant gagner cette naturalisation par un engagement volontaire dans l’armée, malheureusement j’ai été ajourné par le conseil de révision siégeant aux Invalides.
J’habite en France depuis mon enfance cependant la date de ma déclaration d’étranger remonte à 1899.
Depuis cette époque, sous le pseudonyme de Guillaume Apollinaire, j’ai acquis une certaine réputation dans les lettres françaises comme conteur, critique d’art et poète.
Je m’efforcerai toujours, Monsieur le Ministre, de justifier l’honneur que me ferait la grande et noble nation française en m’accueillant comme un de ses enfants. […]

Guillaume Apollinaire, finalement engagé dans l’armée fin 1914, sera naturalisé en 1916.

 

Igor Stravinsky
En 1933, le compositeur d’origine russe demande sa naturalisation. Son dossier comprend une courte lettre : 

Monsieur le ministre,
J’ai l’honneur de m’adresser à votre excellence pour la prier de m’accorder la qualité de Français. Russe d’origine, j’ai quitté la -Russie en 1910 et après avoir habité en Suisse pendant dix ans, je suis venu avec ma famille m’établir en France définitivement en 1920.
Veuillez agréer, monsieur, l’expression de ma haute considération.

Igor Stravinsky obtient la nationalité française en 1934. Il optera plus tard pour la nationalité américaine.

 

Léon Zitrone
En 1934, Léon Zitrone, âgé de 20 ans et future figure de la radio-télévision française, souhaite troquer sa nationalité russe pour la nationalité française. Il envoie une succession de lettres au bureau des naturalisations :

Première lettre :

Réfugié russe ayant tout juste vingt ans, c’est-à-dire à quelques mois près l’âge du conseil de révision, je ne demande rien tant que de faire mon service militaire pour acquérir ma nationalité en payant ma dette à la France […]. Le proviseur du lycée Janson-de-Sailly se porterait volontiers garant de ma parfaite honorabilité.

En novembre 1935, il envoie une troisième lettre :

J’ai l’honneur de demander à votre haute bienveillance s’il me serait possible de savoir si mon dossier est en bonne voie et si le cas échéant, vu mon âge (vingt et un ans), il ne serait pas possible de faire accélérer quelque peu la marche de mon affaire.

Il adresse une dernière lettre de relance au service des étrangers de la préfecture de police :

Monsieur le Directeur,
Âgé de 21 ans, j’ai fait il y a un an une demande de naturalisation que les premiers services compétents ont examinés favorablement, puisque en juillet je passais une visite militaire.
En novembre dernier (vers le 20-25), j’ai été reçu pour la dernière fois dans votre service par un inspecteur qui m’a demandé des détails complets sur ma famille et moi, et à ma question, m’a dit que j’en avais encore pour trois ou quatre mois d’attente.
Je me permets par la présente de vous demander de bien vouloir, si possible, me dire où en est mon dossier, et, le cas échéant me permettre de faire toutes les demandes nécessaires en vue de l’accélération de ma naturalisation.
En vous remerciant à l’avance, je vous prie, Monsieur le Directeur, de croire à mes sentiments de haute considération.

Léon Zitrone sera naturalisé en 1936.

 

Nicolas de Staël
En 1946, le peintre Nicolas de Staël, apatride d’origine russe, alors âgé de 32 ans, demande la nationalité française. 
En haut du formulaire de demande de naturalisation, il indique dans l’espace dédié ses motivations :

Je désire me fixer définitivement en France ayant épousé une Française et Paris est le seul endroit du monde où l’on peut peindre librement.
Staël,
Fait à paris le 20/8/1946

Sa demande est acceptée deux ans plus tard, en 1948.

 

Henri Verneuil
En 1947, le réalisateur Henri Verneuil (Achod Malakian), d’origine arménienne, écrit :

Monsieur le Ministre,
Je soussigné Malakian Achod dit Henri Verneuil né à Rodosto le 15 octobre 1920 de nationalité arménienne exerçant la profession de Metteur en scène cinématographique, domicilié à Marseille depuis 1924 sans interruption, ai l’honneur de solliciter de votre bienveillance la naturalisation française.
J’ai fait toutes mes études en France, où j’ai obtenu le diplôme d’État d’ingénieur Arts et Métiers.
Rédacteur en chef du magazine Horizons et critique cinématographique à la radiodiffusion française, je me suis fixé maintenant dans la mise en scène.
Je vous prie d’agréer Monsieur le Ministre, l’expression de ma plus haute considération.
A. Malakian

Henri Verneuil obtiendra la nationalité française en 1949.

 

Eugène Ionesco
En 1949, Eugène Ionesco, né Eugène Ionescu, auteur de pièces de théâtre, écrit une lettre pour demander sa naturalisation :

Monsieur le Préfet,
Je, soussigné, Eugène IONESCU, d’origine roumaine, né à Slatine (Roumanie) le 13 novembre 1909, domicilié à Paris , 38 rue Claude Terrasse (XVI), désirant obtenir la nationalité française, ai l’honneur de solliciter de votre haute bienveillance la prise en considération de ma demande.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mon profond respect.
Eugène Ionescu
38 rue Claude Terrasse
Paris, le 3 Mai 1949

Il deviendra français le 29 novembre 1957, après une longue attente et le signalement par l’administration de sa qualité d’« auteur dramatique d’un certain talent ». 

 

Sélection de CAMILLE HOUPHOUËT-BOIGNY

 

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