Quand mon fils aîné, âgé de 3 ans, nous a déclaré d’un air très convaincu : « Moi très fatigué ! », j’ai compris que la situation était grave. Quel imbécile avait pu endoctriner mon enfant ? Après réflexion, j’ai conclu que l’imbécile, c’était moi. Avec une circonstance atténuante, j’étais, nous étions tous fatigués des autres, de nous, de tout et de rien. Nés fatigués dans un temps épuisé…

Dans les années 1960, on s’ennuyait ; on a vu comment ça s’est terminé. « Je m’ennuie, j’sais pas quoi faire… », se lamentait l’héroïne de Pierrot le fou, le film de Godard. C’était en 1965. C’était prémonitoire. Trois ans plus tard, ça a fait boum.

Aujourd’hui, la fatigue l’emporte. On se fatigue à trouver le sommeil. On se réveille fatigué. On se traîne toute la journée. On s’épuise d’être si fatigué… Trait d’époque. Les marmots sont insupportables (faute de sommeil et d’une bonne fessée), les jeunes claqués (trop de soirées arrosées) et les adultes au bord du burn-out (stade terminal de la fatigue). 

On n’ose plus demander comment ça va. – Crevé, mon vieux, crevé ! Notre fatigue est devenue poison, elle nous embrume le cerveau. Voter ? Ce serait prendre le risque de mal voter. S’abstenir ? C’est le meilleur moyen d’éviter de se tromper de bulletin ! Nous atteignons résolument un au-delà de la paresse : une grosse fatigue démocratique, le huitième péché capital.

Mon frère, ma sœur, résiste, ne succombe pas à la tentation !

Réveille-toi ! Tu es libre… 

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